Quelle somme d’intuition, d’acharnement, de rigueur et de chance dans la démarche scientifique ! C’est ce que montre ce récit d’Ève Curie : comment sa mère et son père, presque sans moyens, ont découvert des corps nouveaux puissamment radioactifs dans la pechblende, un minerai d’urane utilisé par l’industrie du verre de Bohême…

Il arrive tant de fois, en physique, qu’un phénomène inexplicable puisse être rattaché, après de brèves investigations, à des lois précédemment connues et, de ce fait, perde aussitôt son intérêt pour le chercheur ! Ici, rien de tel. Plus Marie pénètre dans l’intimité des rayons de l’uranium, plus ils lui apparaissent insolites, d’une essence inconnue. Ils ne sont semblables à rien. Ils ne sont affectés par rien. Malgré leur très faible puissance, ils ont une extraordinaire « personnalité ».

Tournant et retournant le mystère dans sa tête, braquée vers la vérité, Marie pressent et bientôt peut affirmer que l’incompréhensible rayonnement est une propriété atomique. Et elle se pose une question : bien que le phénomène n’ait été observé qu’avec l’uranium, rien ne prouve que l’uranium soit le seul élément chimique capable de le provoquer. Pourquoi d’autres corps ne posséderaient-ils pas le même pouvoir ? 

Aussitôt pensé, aussitôt fait ! Abandonnant l’étude de l’uranium, Marie entreprend l’examen de tous les corps chimiques connus. Et le résultat ne se fait pas attendre. Les composés d’un autre corps, le thorium, émettent, eux aussi, des rayons spontanés, semblables à ceux de l’uranium, et d’une intensité analogue. La jeune femme avait vu clair : le phénomène n’est nullement l’apanage du seul uranium et il devient nécessaire de lui donner une dénomination distincte. Mme Curie propose le nom de radioactivité.

La radioactivité intrigue tellement la physicienne qu’elle ne se lasse pas d’étudier les matières les plus diverses. Au lieu de borner ses observations aux composés simples, sels et oxydes, elle a soudain envie de puiser dans la collection de minéraux de l’École de physique et de faire subir à divers échantillons, au hasard, pour s’amuser, cette espèce de visite douanière qu’est l’épreuve de l’électromètre. 

Elle sait d’avance ce que va lui apprendre l’examen des minéraux, ou plutôt elle croit le savoir. Les échantillons qui ne recèlent ni uranium, ni thorium, se révéleron

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