Quelle est l’origine de votre familiarité avec Marie Curie ?

J’ai fait toutes mes études et une grande partie de ma carrière à l’université Pierre-et-Marie-Curie. Marie Curie était donc là en figure tutélaire. Puis, en 2006, le président de l’université, Jean-Charles Pomerol, m’a demandé, à l’occasion du 100e anniversaire de la leçon inaugurale de Marie Curie à la Sorbonne, d’en lire le texte. Elle l’avait donnée quelques mois après la mort accidentelle de Pierre Curie, en 1906. Elle lui a succédé comme titulaire de la chaire de physique, devenant la première femme professeure d’université en France. Ce qui m’a frappée dans ce discours, c’est qu’elle n’a oublié personne dans la description de ses découvertes. Elle a nommé tous les collègues français ou étrangers qui avaient participé à la compréhension du phénomène qu’elle a baptisé radioactivité, non seulement ses maîtres et ses collaborateurs, mais aussi ses concurrents ! Et comme, dans notre milieu, tout le monde oublie le voisin, je me suis dit qu’elle était différente. Sa réputation de « grande dame » était justifiée. Je crois aussi qu’il y avait à son époque un élan collectif de création qu’on retrouve rarement aujourd’hui. 

Vous êtes une femme, l’une des figures de la recherche en nanomatériaux. Diriez-vous que Marie Curie a ouvert la voie aux chercheuses ?  

Ce n’est pas si simple. À l’université Pierre-et-Marie-Curie, qui est celle que je connais, les grands savants qu’étaient Jean Perrin et Frédéric Joliot, proches des Curie et tous deux Prix Nobel, ont promu de nombreuses femmes. Mais ce qui est incroyable, c’est que ces femmes de très haut niveau, à la génération suivante, ont elles-mêmes promu uniquement des hommes : un véritable balayage ! Je vous donne un exemple, celui d’une professeure de chimie physique, élève de Jean Perrin. Pour vous dire quelle savante c’était : elle avait su prévoir des structures qu’elle ne pouvait observer avec les équipements dont elle disposait. La construction de

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