La scène se déroule sur le littoral australien, sous les yeux ébahis de scientifiques : une femelle dauphin enseigne à son petit comment se saisir d’une éponge de mer pour frotter le fond de l’océan. L’apprenti pêcheur peut ainsi dénicher des poissons plats sans se blesser sur les coquillages ou les rochers. « C’est magnifique : non seulement ces cétacés se servent d’un outil, mais on trouve au même endroit d’autres lignées de dauphins qui ne savent pas l’utiliser ! » s’émerveille Jean-Luc Jung, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle. Lui-même étudie plusieurs mammifères marins, comme les grands dauphins de la mer d’Iroise, en Bretagne. Les analyses ADN permettent de s’assurer que les cétacés se reproduisent en dehors de leurs groupes d’appartenance, ce qui préserve leur variété génétique.

Une diversité vertigineuse

Ces recherches sur les cétacés préférés des enfants ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui nous échappe en matière de biodiversité marine… tant du point de vue de sa connaissance que de sa préservation. En mer comme sur terre, les scientifiques distinguent trois composantes de la biodiversité – et chacune a de quoi donner le vertige. Tout d’abord, l’infinie variété des espèces, des minuscules diatomées qui composent le phytoplancton à la baleine bleue qui peut atteindre 30 mètres de long. Viennent ensuite les variations génétiques d’un individu à l’autre, au sein de la même espèce. Et enfin la richesse des écosystèmes : un gouffre sépare les chaudes plages du Cap-Vert et les profondeurs glacées de l’Antarctique. D’après un adage, on connaîtrait mieux la surface de la Lune que celle des grands fonds marins.

« En quarante ans d’exploration, on a seulement donné quelques coups de cuillère un peu partout. Des écosystèmes entiers sont inaccessibles », confirme Sarah Samadi, biologiste de l’évolution au Muséum et qui travaille beaucoup dans le Pacifique. Il a par exemple fallu attendre les années 1970 pour découvrir des organismes capables de tirer leur énergie non pas de la lumière, via la photosynthèse, mais de l’hydrogène sulfuré qui s’échappe des abysses à haute température. Ce phénomène, nommé chimiosynthèse, a fasciné les biologistes. Or « ce qu’on ne connaît pas, on ne peut pas le protéger. L’ignorance est la plus grande menace qui pèse sur l’océan », martèle la scientifique.

On connaîtrait mieux la surface de la Lune que celle des grands fonds

Vous avez aimé ? Partagez-le !