La comédie des chiffres continue. Combien de personnes ont-elles manifesté le 31 janvier à Paris contre la réforme des retraites ? 87 000 selon la préfecture de police, 500 000 selon la CGT. Le grand écart devient vertigineux ! Journaux et radios n’osent plus couper la poire en deux depuis qu’il a été démontré que le comptage des autorités est en général beaucoup plus près de la vérité que celui des organisateurs. Mais, au lieu de fournir leur propre estimation, la plupart des médias se contentent de citer les deux chiffres, comme s’il existait des vérités multiples.

Bref, on ne saura pas si les manifestants étaient ce jour-là un demi-million ou six fois moins. De toute manière, chacun se fait sa petite opinion et n’en démord pas. Le citoyen indigné qui a battu le pavé en communion avec une foule en colère a perçu un énorme cortège, tandis que celui qui est resté au balcon n’a vu que ce qu’il voulait voir.

Il y a quelque chose de rafraîchissant dans cette comédie des chiffres. À l’ère du GPS, des drones et des ordinateurs surpuissants qui réalisent des calculs d’une extrême complexité en une fraction de seconde, on n’est pas en mesure de s’entendre sur le nombre, même approximatif, de ceux qui défilent sur la voie publique.

Sans doute n’est-ce pas essentiel. Le poids de « la rue » tient-il vraiment à la quantité de ceux qui y « descendent » ? Même le pourcentage de grévistes, avec lequel il est difficile de tricher, ne suffit pas à saisir l’état de l’opinion. Alors que nous sommes abreuvés, à longueur d’année et à tout propos, de statistiques, de sondages et de classements, est-il encore possible de prendre la mesure des choses autrement que par des chiffres ? 

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