« Un mouvement qui fédère une somme de singularités »
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Comment situez-vous le conflit actuel ?
Il paraît être la répétition de mouvements auxquels on assiste depuis une trentaine d’années. En 1981, le nouveau pouvoir socialiste avait satisfait la revendication historique de la retraite à 60 ans. Mais l’évolution des conditions du travail a vite posé la question d’une réforme des retraites, c’est-à-dire d’une augmentation du volume des cotisations pour répondre à l’augmentation du volume des prestations due à l’évolution de l’espérance de vie. Ces réformes successives ont été vécues comme une régression permanente et non comme une adaptation nécessaire.
Quelle est la spécificité du mouvement en cours ?
Il me semble que l’idée se fait jour que la question n’est plus seulement l’équation macroéconomique du financement des retraites, mais aussi la prise en compte de la diversité des situations de travail, beaucoup plus importante qu’on ne l’imaginait : les carrières des femmes, qui ne sont pas celles des hommes ; l’âge d’entrée dans le travail, qui varie beaucoup, comme le rapport entre les CDI et les temps partiels ; la question de la pénibilité et des carrières courtes… Le gouvernement tente d’imposer une loi générale alors que chacun ressent la situation qu’il vit dans ce qu’elle a de singulier.
Qu’est-ce qui bloque cette fois ?
Encore une fois, la mesure d’âge, cette toise générale des 64 ans pour tous. Pour aboutir à une augmentation des cotisations, il faudrait plutôt agir sur la qualité du travail. On ne mesure pas suffisamment que nous sommes à la veille d’une révolution qui prendra en compte la singularité des carrières.
Dans quel état les syndicats abordent-ils cette confrontation ?
Ce combat pour la défense des retraites existantes leur semble vital car, sur tous les autres dossiers, le syndicalisme a reculé. Il était conçu pour gérer de grandes masses, négocier des conventions collectives… Aujourd’hui, la politique sociale s’exerce plutôt à travers des conventions d’entreprise. C’est pourquoi on assiste à une forme d’invisibilisation du syndicalisme : présent dans nombre d’entreprises, il peine cependant à assumer une fonction sociale généra
« Un mouvement qui fédère une somme de singularités »
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[Mesure]
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La comédie des chiffres continue. Combien de personnes ont-elles manifesté le 31 janvier à Paris contre la réforme des retraites ? 87 000 selon la préfecture de police, 500 000 selon la CGT.
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L’historienne Danielle Tartakowsky, grande spécialiste des mobilisations sociales, revient sur deux siècles de manifestations en France, en dégageant trois grandes étapes et en insistant sur la place de ces mouvements dans l’imaginaire national, puis livre son regard sur la situation actuelle.