Le choc des légitimités
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Le mouvement actuel d’opposition à la réforme des retraites s’inscrit dans une imagerie française bien établie. Les cortèges syndicaux, les banderoles arborant diverses caricatures du pouvoir, les foules scandant des slogans hostiles au gouvernement nourrissent un imaginaire réactivé par chaque mouvement social. À cette routine de la rue répondent, en miroir, les mots d’ordre du pouvoir, toujours les mêmes. À la suite des manifestations des 19 et 31 janvier, les ténors de la majorité se sont ainsi succédé dans les médias pour condamner les manifestants. Ceux-ci sont accusés de vouloir « bordéliser la France » (Gérald Darmanin), délégitimés au motif déjà entendu en 2003 dans la bouche de Jean-Pierre Raffarin que « la rue ne gouverne pas », alors même qu’Élisabeth Borne ou Bruno Le Maire ne cessent d’affirmer que le gouvernement « ira jusqu’au bout ».
Cette confrontation ne se résume pas à une simple comédie du pouvoir propre à tout rapport de force entre un gouvernement et des acteurs sociaux. Elle se pose également comme un conflit de légitimité politique entre deux conceptions de la représentation dont les origines remontent à la naissance de la République en France. Le régime républicain s’est en effet pensé depuis la Révolution française comme le dépositaire exclusif de la volonté populaire, opérant un transfert entre le roi et le peuple. Mais que faire alors du mouvement révolutionnaire, qui, au moins par trois fois, en 1789, 1830 et 1848, p
« Un mouvement qui fédère une somme de singularités »
Pierre Rosanvallon
Pour l'historien et sociologue Pierre Rosanvallon, la puissance du mouvement social en cours repose avant tout sur le désir de voir mieux pris en compte les singularités des carrières et les souffrances au travail.
[Mesure]
Robert Solé
La comédie des chiffres continue. Combien de personnes ont-elles manifesté le 31 janvier à Paris contre la réforme des retraites ? 87 000 selon la préfecture de police, 500 000 selon la CGT.
« La manifestation, c’est le temps du détour nécessaire et possible »
Danielle Tartakowsky
L’historienne Danielle Tartakowsky, grande spécialiste des mobilisations sociales, revient sur deux siècles de manifestations en France, en dégageant trois grandes étapes et en insistant sur la place de ces mouvements dans l’imaginaire national, puis livre son regard sur la situation actuelle.