Le mouvement actuel d’opposition à la réforme des retraites s’inscrit dans une imagerie française bien établie. Les cortèges syndicaux, les banderoles arborant diverses caricatures du pouvoir, les foules scandant des slogans hostiles au gouvernement nourrissent un imaginaire réactivé par chaque mouvement social. À cette routine de la rue répondent, en miroir, les mots d’ordre du pouvoir, toujours les mêmes. À la suite des manifestations des 19 et 31 janvier, les ténors de la majorité se sont ainsi succédé dans les médias pour condamner les manifestants. Ceux-ci sont accusés de vouloir « bordéliser la France » (Gérald Darmanin), délégitimés au motif déjà entendu en 2003 dans la bouche de Jean-Pierre Raffarin que « la rue ne gouverne pas », alors même qu’Élisabeth Borne ou Bruno Le Maire ne cessent d’affirmer que le gouvernement « ira jusqu’au bout ».

Cette confrontation ne se résume pas à une simple comédie du pouvoir propre à tout rapport de force entre un gouvernement et des acteurs sociaux. Elle se pose également comme un conflit de légitimité politique entre deux conceptions de la représentation dont les origines remontent à la naissance de la République en France. Le régime républicain s’est en effet pensé depuis la Révolution française comme le dépositaire exclusif de la volonté populaire, opérant un transfert entre le roi et le peuple. Mais que faire alors du mouvement révolutionnaire, qui, au moins par trois fois, en 1789, 1830 et 1848, p

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