Ni rouge ni blanc, c’est un vin centriste. Longtemps méprisé, passant pour artificiel, il n’a même pas eu droit au nom de rose, qui est déjà une demi-couleur. Rosé signifie « légèrement, vaguement teinté de rose ». C’est tout juste si ce bâtard, qualifié jadis de « vin des dames », n’a pas été appelé rosâtre…

 

Les étiquettes colorées sont trompeuses. Elles relèvent de conventions anciennes, difficiles à changer. Un enfant vous ferait remarquer que le raisin noir est violet et que le vin blanc est jaune. Quant au rosé, il présente toute une gamme de nuances, selon le cépage et le mode de fabrication : il peut être gris pâle, saumon, brique ou orangé. Étant entendu qu’il ne s’agit jamais d’un mélange de vin rouge et de vin blanc : la loi interdit ce sacrilège, sauf pour le champagne. Loin d’être un pinard d’assemblage, concocté comme du lait-fraise ou du lait-grenadine, le rosé est, paraît-il, le vin le plus difficile à réaliser techniquement.

 

Oubliée, la piquette qu’on ne buvait qu’en été, parfois avec des glaçons, et qui donnait des migraines. Depuis un quart de siècle, le rosé ne cesse de gagner des parts de marché. Loin derrière le rouge, mais devant le blanc, il représente aujourd’hui près d’un tiers des ventes en France.

 

« Il faut s’efforcer d’être jeune comme un beaujolais et de vieillir comme un bourgogne », écrivait Robert Sabatier. Le rosé vieillit peut-être mal, mais il plaît aux 18-35 ans. Ce sont eux qui assurent son succès, sans doute parce qu’il bouleverse les codes et autorise les innovations.

 

Pour conclure sur deux idées profondes, on dira – avec modération – qu’il n’y a pas de rosé sans épines, mais que le rosé a de bonnes raisons de voir la vie en rose. 

 

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