C’était peu avant la présidentielle de 2012. ­Manuel Valls m’avait reçu dans son petit bureau-ruche de l’Assemblée nationale. Dans un phrasé rapide et précis, il avait évoqué George Orwell, Arthur Koestler et André Malraux, empli de l’admiration que lui inspirait leur combat contre le franquisme. Puis, avant de saluer le parcours de Charles Quint, son retrait au soir de sa vie dans un monastère d’Estrémadure après avoir renoncé à tous les attributs du pouvoir, de sa voix grave et nette, il avait prononcé le nom de Clemenceau. « Contrairement à la posture de Jaurès, il accepta de gouverner malgré les difficultés et les désillusions. Leur débat est le débat permanent de la gauche. » Valls maniait la dialectique du souhaitable et du possible, de la doctrine face au réel. Comme pour appuyer son propos, il m’offrit un petit livre de la Fondation Jean-Jaurès, La Gauche et le Pouvoir, dans lequel il cernait les déchirements de sa famille politique : « Beaucoup pensent encore, au sein même de la gauche républicaine, que gouverner c’est trahir un peu. L’expérience rejoint ici l’intuition : la pente fatale du pouvoir serait bien de salir l’idéal. » François Hollande n’était pas encore président. S’il gagnait, que ferait-il ? « Il faut dire la vérité avant de ­gouverner », lança le futur Premier ministre avec conviction. Tendons l’oreille : l’heure de vérité sonne à l’horloge de la gauche.  

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