Le virus du mépris
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Tu te mets à penser au mépris comme à un virus. Contaminant les individus, d’abord, mais se propageant rapidement dans les familles, les quartiers, les populations, les structures du pouvoir, les nations. Moins clinquant que la haine. Plus mortel. Quand le mépris tue, ce n’est pas nécessairement par vendetta ni même entièrement conscient. Ça peut être juste un truc dans l’air. C’est beaucoup plus courant et de ce fait beaucoup plus létal. « Le virus n’en a rien à faire, de qui tu es. » Et il en va de même avec le mépris : aux yeux du mépris, tu ne t’élèves pas même au niveau d’un objet de haine – cela supposerait une pleine reconnaissance de ton existence. Devant le mépris, tu n’es tout simplement pas considéré comme d’autres le sont, tu es quelque chose de moins qu’une personne entière, tu n’es pas un citoyen entier. Tu es, disons… trois cinquièmes du tout. Tu es une statistique. Tu es à contourner. Tu es une perte calculée. Tu n’as aucun recours. Tu ne représentes aucun capital, et de ce fait tu ne représentes aucun pouvoir. Tu es sans conséquence. Aucun fameux avocat tout bien fringué n’accourra sur les lieux pour te défendre, portant son petit attaché-case et s’exclamant : « C’est mon client ! »
Tu es facilement incarcéré et facilement oublié. Les enjeux sont minimes. Et donc : le mépris.
En Angleterre, on nous offre un équivalent horripilant mais relativement comique de ce virus, sous la forme de « la boîte à idées » du Premier ministre, le nommé Dominic1, dont la principale idée est de réfuter l’existence de l’impératif catégorique. À la place, il a une règle pour les hommes comme lui, les hommes qui ont des idées, et une autre règle pour « les gens ». Il s’agit d’un variant spécifiquement britannique du virus. Le mépris de classe. Le mépris technocrate. Le mépris du Philosophe-Roi. Quand on attrape ce variant britannique, on se met à croire que les gens sont là pour être régentés. Qu’ils sont là pour être gérés, manœuvrés, endurés, tolérés (jusqu’à un certain point), ridiculisés (à l’abri des portes closes), sentimentalisés, bowdlerisés2, pilotés, maintenus sous surveillance, dirigés, utilisés, et écoutés avec attention, mais uniquement pour les besoins de la collecte de données, grâce à quoi on moissonne la matière brute qui sert à les manipuler d’autant plus. Pendant les conférences de presse, on le voyait bien, l’organisme de Dominic3 grouillait de ce virus – depuis des mois. Seule sa bouche faisait mine. Sa bouche articulait qu’il avait conduit une cinquantaine de kilomètres de Durham à Barnard Castle dans le seul but de tester sa vue. Le reste de son visage était envahi par les symptômes habituels, s’étalant aux yeux de tous. Ennui, contrariété, impatience, incrédulité. Ses yeux, revigorés par son test de conduite, en disaient long : Pourquoi vous me faites suer avec ces absurdités ? Mépris. Un peu plus tôt en février, le concept d’« immunité de masse » avait été servi à la population – ou plutôt à ce large échantillon de la p
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