« Pour vivre heureux, vivons caché », écrivit Jean-Pierre Claris de Florian, qui ne sut pas assez s’y conformer. Bien qu’aristocrate, il prit le parti des révolutionnaires en 1789, entrant dans la Garde nationale. Cela ne l’empêcha pas d’être arrêté et incarcéré. Restent ses fables moins acides que celles de La Fontaine : parfois l’encens ne suffit pas. 

Chloé, jeune, jolie, et surtout fort coquette,
Tous les matins, en se levant,
Se mettait au travail, j’entends à sa toilette ;
Et là, souriant, minaudant,
Elle disait à son cher confident
Les peines, les plaisirs, les projets de son âme.
Une abeille étourdie arrive en bourdonnant.
Au secours ! Au secours ! crie aussitôt la dame :
Venez, Lise, Marton, accourez promptement ;
Chassez ce monstre ailé. Le monstre insolemment
Aux lèvres de Chloé se pose.
Chloé s’évanouit, et Marton en fureur
Saisit l’abeille et se dispose
À l’écraser. Hélas ! lui dit avec douceur
L’insecte malheureux, pardonnez mon erreur ;
La bouche de Chloé me semblait une rose,
Et j’ai cru… ce seul mot à Chloé rend ses sens.
Faisons grâce, dit-elle, à son aveu sincère :
D’ailleurs sa piqûre est légère ;
Depuis qu’elle te parle, à peine je la sens.

Que ne fait-on passer avec un peu d’encens !

Jean-Pierre Claris de Florian, Fables, I, 13, 1792

 

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