Quand les gens n’ont plus la parole, ils en viennent aux mains
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Pourquoi écrire une pièce sur la perte du langage ? Quand on vit de l’écriture, c’est la peur ultime : ne plus trouver les bons termes, sentir qu’on s’assèche. Le plus terrible, c’est que l’on a rarement conscience que l’on perd ses mots, puisqu’avec eux, on perd les pensées ! J’ai traversé une période où, jeune mère, je m’étais enfermée dans un langage fonctionnel, pragmatique, parce que j’étais fatiguée. Je n’arrivais plus à écrire. Alors j’ai décidé de compiler dans un carnet tous les mots que je trouvais beaux et mystérieux – palimpseste, concaténation, caracoler, olibrius, pistil… ça me sortait de mon quotidien, ça me rassurait, et je me suis dit que j’en ferais une histoire.
Cette histoire, c’est celle du Village des sourds. Dans un petit village imaginaire au nord-est du monde, Okionuk, une centaine d’habitants vivent en autarcie complète, dans des températures glaciales. Le soir, ils se retrouvent dans une yourte autour d’un feu, et ils se racontent des histoires toute la nuit. Ils développent ainsi une culture de l’oralité hors du commun, jusqu’à ce qu’un matin, un marchand débarque avec un camion noir et distribue à tous un catalogue avec des objets dont ils n’ont jamais entendu parler, du grille-pain au four à micro-ondes, en passant par le fauteuil masseur. Le prix de ces objets : des mots.
« Il faut réapprendre à parler l’humain »
Monique Atlan
Roger-Pol Droit
La journaliste Monique Atlan et le philosophe Roger-Pol Droit estiment que nous arrivons aujourd’hui à un tournant anthropologique majeur avec l’avènement d’une parole de plus en plus déconnectée de ce qui fait son fondement, à savoir l’échange.
[Fléchettes]
Robert Solé
Il y a deux manières de se démarquer de la langue de bois qui est si souvent reprochée aux responsables politiques. La première est de hausser le ton, de se montrer agressif, voire outrancier, pour se poser en ennemi du système et porte-parole des sans-voix.
« Exclure quelqu’un de la langue, c’est l’exclure tout court »
Béatrice Fracchiolla
Professeure à l’université de Lorraine, Béatrice Fracchiolla revient ici sur les pratiques langagières et les phénomènes techniques et sociaux qui favorisent cette violence, mais montre aussi comment il est possible, dans une certaine mesure, de la désamorcer.