Pourquoi écrire une pièce sur la perte du langage ? Quand on vit de l’écriture, c’est la peur ultime : ne plus trouver les bons termes, sentir qu’on s’assèche. Le plus terrible, c’est que l’on a rarement conscience que l’on perd ses mots, puisqu’avec eux, on perd les pensées ! J’ai traversé une période où, jeune mère, je m’étais enfermée dans un langage fonctionnel, pragmatique, parce que j’étais fatiguée. Je n’arrivais plus à écrire. Alors j’ai décidé de compiler dans un carnet tous les mots que je trouvais beaux et mystérieux – palimpseste, concaténation, caracoler, olibrius, pistil… ça me sortait de mon quotidien, ça me rassurait, et je me suis dit que j’en ferais une histoire.

Cette histoire, c’est celle du Village des sourds. Dans un petit village imaginaire au nord-est du monde, Okionuk, une centaine d’habitants vivent en autarcie complète, dans des températures glaciales. Le soir, ils se retrouvent dans une yourte autour d’un feu, et ils se racontent des histoires toute la nuit. Ils développent ainsi une culture de l’oralité hors du commun, jusqu’à ce qu’un matin, un marchand débarque avec un camion noir et distribue à tous un catalogue avec des objets dont ils n’ont jamais entendu parler, du grille-pain au four à micro-ondes, en passant par le fauteuil masseur. Le prix de ces objets : des mots.

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