On avait eu cette vision fugitive, en mai 1995, d’un Jacques Chirac installé à l’arrière d’une limousine. C’était au soir de son élection à l’Élysée. D’une main il saluait la foule par la vitre baissée et de l’autre tenait son téléphone portable. Et, curieusement, le regard restait captif de cet appendice moderne, symbole d’une technologie naissante. Tel un sceptre, le futur président le serrait, assuré de maîtriser un nouveau monde.

Le sceptre s’est banalisé. Nous sommes tous devenus souverains par la grâce du smartphone. Dans notre paume miroite cet ovni précieux, si magique pour le dire d’un mot. Ses pouvoirs sont infinis : boussole et doudou, bureau, salle de jeux, bibliothèque, room service… Il nous suit, nous le suivons. Boîte de Pandore, boîte à musique, boîte noire au cas où…

Son esthétique n’est pas anecdotique. Elle résume notre époque, sa face radieuse, pour mieux oublier ombres et démons. Qui n’éprouve pas de plaisir à se saisir de cette coque truffée de tungstène, fourrée à la poussière d’or et d’étain ? L’engouement pour le smartphone fait penser à nos anciennes passions collectives pour la Citroën DS de 1955 ou pour les premières machines à écrire portatives électroniques des années 1980. Mais cette fois, le design est à portée de main, dans la poche, individuel, individualisé. Small is beautiful… La beauté est à prendre, universelle. On peut médire, maudire, critiquer. Elle règne ! C’est une icône parfaite, absolue. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !