La révolution collaborative est en route. On a vendu 7 milliards de smartphones sur notre planète, 20 millions en France en 2015, et chacun consulte le sien des centaines de fois par jour. On dit en moyenne deux cents fois. Jamais l’humain n’a autant parlé avec d’autres humains, jamais nous n’avons été aussi densément liés et informés. Intoxiqués aussi, bien sûr. Mais gardons le plus : le lien, l’amour, le savoir, l’information. La révolution numérique a bouleversé le travail et la politique, l’espace et le temps, mais aussi l’homme. L’homme intime, hésitant ou amoureux, audacieux ou lâche. 

On peut rompre par SMS, licencier un salarié, se déclarer. Voter bientôt sans doute. Au bout du monde, on est encore en famille. Au bureau ou à l’atelier, on sait où est son petit, ou sa chérie. 

Mais le monde du smartphone est sans lieu. L’autre jour, en gare de Quimper, une jeune fille expliquait à son père qu’elle ne viendrait pas déjeuner car elle venait de rater son train en gare de… Nice. Imparable. Papa était contrarié mais le bruit de fond était bien celui d’une gare ! 

Il y a une liberté sans règles dans cet objet. Il est bien de notre temps où nous voulons une infinie liberté mais avec des cadres – surtout pour les autres. Un plus de religion, un plus de frontières, un plus de lutte des classes, mais seulement en arrière-plan d’une extraordinaire mobilité. La société de l’humain hypermobile a trouvé dans le smartphone son objet culte, notre double maternant et sécurisant. Enfin, il est aussi une arme : instrument au service des actions terroristes et outil nouveau pour faire la guerre quand, avant chaque attaque, à Alep ou à Mossoul, les soldats communiquent avec des survivants cachés dans les ruines. Et à l’arrivée de chaque groupe de prisonniers, on vérifie les derniers appels pour savoir de quel camp ils sont. Ne jamais oublier que le smartphone a une mémoire infaillible.

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