Dans la tête des femmes pro-life
Temps de lecture : 11 minutes
Kansas City, Missouri. Tout a commencé un matin d’été. Melinda s’était levée à l’aube pour prier. Comme toute bonne missionnaire évangélique, cette quinquagénaire entretient une relation individuelle avec Dieu. Nul besoin d’intermédiaire pour communiquer avec lui : Dieu s’adresse à elle dans ses rêves et par le biais de visions. Parfois même, il murmure à son oreille, l’interrompant dans ses tâches quotidiennes. « Chaque fois que le Seigneur me parle, c’est important », assure-t-elle. Et ce matin-là, vers 6 heures, Dieu lui a parlé. « J’étais encore un peu endormie, mais la vision était très claire. J’ai vu Jésus, confortablement installé sur un trône, des bulles flottant au-dessus de sa tête. Il avait l’air de jouer avec, en les touchant du bout de son doigt. Dans chacune de ces bulles se trouvait un minuscule bébé. Jésus s’est tourné vers moi, a plongé son regard dans le mien et il m’a dit : “Choisis-en un.” » Puis, il aurait formulé une question pour le moins déroutante à cette mère de six enfants, déjà grand-mère : « Mindy, me prêterais-tu ton ventre ? » Pour cette croyante à la foi inébranlable, le message divin était très clair. « Il me demandait de sauver des embryons », traduit-elle avec un sourire franc, les yeux bleus encore brillants d’émotion des années plus tard.
Dans l’esprit des pratiquants évangéliques, empêcher le développement de ces embryons équivaut à tuer des enfants
Aux États-Unis, on estime à plus d’un million le nombre d’embryons congelés et conservés dans les sous-sols des cliniques américaines. Il s’agit principalement d’œufs créés artificiellement par fécondation in vitro (FIV) pour des couples infertiles. Lorsqu’il estime sa famille complète, le couple doit décider du sort des embryons restants. Plusieurs options s’offrent à lui : il peut les garder indéfiniment dans une cuve d’azote pour plusieurs centaines de dollars par an, les faire détruire, les offrir à la science, ou bien les proposer à un autre couple ou à une femme célibataire. Or, dans la religion évangélique, selon les interprétations les plus récentes, la vie commence dès la conception. Par conséquent, dans l’esprit de ses pratiquants, empêcher le développement de ces embryons équivaut à tuer des enfants.
Prier Jésus, 24 heures sur 24
À Kansas City, dans l’État conservateur du Missouri, des femmes se sont donné pour mission de « sauver ces vies en suspens ». Chaque fois que le Seigneur leur en a fait la demande, par le biais d’une vision ou en réponse à l’une de leurs prières, elles ont pris rendez-vous dans une clinique de fertilité pour réaliser une FIV à partir d’un embryon conçu par des géniteurs qu’elles ne connaissaient pas. « Cette pratique ne fait pas l’unanimité au sein de notre communauté, certains chrétiens pro-life s’y opposent même », confesse Melinda, membre influente de l’Int
« Il y a la loi et son effectivité »
Amandine Clavaud
Amandine Clavaud, directrice de l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes à la Fondation Jean-Jaurès, brosse un panorama de la situation de l'accès à l'IVG.
[Gâchette]
Robert Solé
Treize États des États-Unis s’étaient dotés de « lois gâchettes » qui entreraient automatiquement en vigueur si la Cour suprême changeait de jurisprudence à propos de l’avortement.
Les femmes sacrifiées
Où en est le droit à l'avortement dans le monde ? Les cartographes Nepthys Zwer et Philippe Rekacewicz nous donnent les clés pour comprendre le poids des restrictions à l’IVG à l’échelle planétaire.