EN 1933, un parricide défraye la chronique. Une Parisienne de 18 ans, Violette Nozière, a empoisonné son père et, après une cavale d’une semaine, est passée aux aveux. La presse se déchaîne. Ce « monstre en jupons », qui avait tenté aussi d’éliminer sa mère, est une voleuse et une débauchée, qui traîne dans les bars du Quartier latin. Et voilà qu’au parricide elle ajoute une infamie, accusant son géniteur d’un crime que l’on rougit de nommer : Baptiste Nozière, cheminot respectable, aurait abusé d’elle depuis l’âge de 12 ans.

Les journaux consacrent des colonnes entières à « l’empoisonneuse », sans chercher à enquêter sur les ravages de l’inceste. Le mot lui-même n’est pas prononcé : c’est par des périphrases que l’on évoque de soi-disant « actes immoraux », de prétendus « outrages à la pudeur » dont on ose accuser un médaillé des Chemins de fer qui avait conduit le train du président de la République. Comme si la victime n’était pas cette adolescente détruite par son père, mais la morale et la pudeur.

À l’issue d’un procès expédié en trois jours, Violette Nozière est condamnée à mort, sans circonstances atténuantes. Les femmes échappant à la guillotine, sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité. Elle sera libérée en 1945 et réhabilitée dix-huit ans plus tard.

À l’époque, André Breton, René Magritte, Salvador Dalí et treize autres surréalistes avaient été bien seuls à prendre sa défense. Dans une plaquette aux illustrations suggestives, avec des mots volontairement crus, on trouvait un poème d’Éluard se terminant ainsi : « Violette a rêvé de défaire / A défait / L’affreux nœud de serpents des liens du sang. »

Plus qu’un crime, c’est un viol qu’elle avait commis : la famille patriarcale était un pilier de l’ordre social ; honte à qui violait ses secrets ! 

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