Le 15 mai 1848, le jeune Louis Pasteur communique à l’Académie des sciences sa première découverte majeure : des molécules de formules chimiques identiques ont des propriétés différentes quand leurs structures divergent. Jean-Baptiste Biot, son mentor, en est le rapporteur. Antoine-Jérôme Balard, le superviseur de Pasteur à l’École normale supérieure, et Jean-Baptiste Dumas, son ancien professeur à la Sorbonne, font partie de la commission, ainsi qu’Henri Victor Regnault, le seul chimiste avec lequel Pasteur n’avait pas déjà entretenu de relations de travail. Bien que cela prenne plusieurs jours, en raison des multiples opérations nécessaires, Pasteur reproduit sous leurs yeux les diverses étapes de l’expérience.

Cette démonstration n’implique aucun scepticisme particulier des savants envers leur jeune collègue : il s’agit au contraire d’une validation par les pairs, conformément aux règles de la science moderne. Biot avait d’ailleurs indiqué à Pasteur l’utilité décisive d’une communication efficace en direction de la communauté scientifique. Ce dernier n’hésite donc pas à se montrer très explicite, par exemple lorsqu’il remet à l’Académie des sciences, en plus des échantillons des produits obtenus, des modèles en liège plus grands que nature, afin qu’ils puissent bien observer la forme de ces cristaux.

 

UN CHAMPION DES PROCÉDÉS ÉCLAIRANTS

Dans un monde parfait, une découverte se suffirait à elle-même. Dans le nôtre, la diffusion de l’innovation et la publicité que le chercheur organise autour d’elle s’avèrent indispensables. En l’occurrence, Pasteur ne fut pas seulement un maître de l’observation, virtuose de la manipulation des pipettes et des ballons, concepteur de dispositifs isolant les multiples paramètres, il a aussi parfaitement compris la complémentarité du faire-savoir et du savoir-faire, autrement dit la nécessité d’une mise en scène spectaculaire pour convaincre. Il se fait le champion des procédés éclairants, censés entraîner la conviction, en éliminant les éléments parasites, qui gênent la clarté de la mise en évidence.

La carrière de Pasteur n’est donc pas seulement jalonnée de découvertes majeures dans des domaines de plus en plus éloignés de ses premières amours pour la chimie, elle est aussi ponctuée de controverses retentissantes, attirant l’attention d’un public croissant. En 1862, il croise ainsi le fer avec Félix-Archimède Pouchet au sujet de l’origine des microbes, une question très controversée depuis plusieurs siècles. À partir d’une décoction de foin bouilli, Pouchet défend la génération spontanée, c’est-à-dire l’apparition de nouveaux êtres vivants microscopiques, sans parents. Pasteur ne nie pas la génération spontanée, mais réfute les preuves apportées par Pouchet en démontrant que ses échantillons sont contaminés : les microbes se sont introduits dans le ballon stérilisé à l’insu de l’expérimentateur.

La propre démonstration publique de Pasteur, qui l’entraîne des caves de l’École normale supérieure à la station du Montenvers, surplo

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