1. Les premiers pas

En 1848, Pasteur, étudie des molécules de tartrate présentes dans les grains de raisin et s’interroge : comment ces molécules chimiquement identiques (des atomes de carbone, d’hydrogène et d’oxygène) peuvent-elles avoir des effets différents sur la lumière ? Grâce à une étude microscopique minutieuse, il montre l’importance méconnue de la position des atomes en leur sein, dont la variation suffit à leur conférer différentes propriétés. Une découverte majeure, qui pose les bases de la stéréochimie (chimie dans l’espace) et, à terme, de la biologie moléculaire.

2. La pasteurisation

Pasteur publie en 1857 un Mémoire sur la fermentation appelée lactique, considéré comme l’acte de naissance de la microbiologie. Non seulement il prouve que les fermentations sont dues à l’action de micro-organismes (les ferments), mais il montre qu’à chaque type de fermentation correspond un ferment propre. Or, dans les années 1860, le commerce des vins français souffre des conséquences des « maladies des vins ». Napoléon III demande à Pasteur d’en étudier les causes. En examinant au microscope les dépôts de vin au fond des tonneaux, celui-ci identifie différents ferments, certains facilitant la vinification, d’autres la faisant échouer. Si les vins tournent, c’est tout simplement à cause de ces ferments « intrus » qu’il faut détruire. Pasteur propose dans la foulée une solution : faire chauffer le vin à 55 °C après fermentation, pour empêcher les ferments superflus de se développer. Un procédé breveté en 1865, et qu’on nommera plus tard « pasteurisation ».

3. Le savant et l’industrie

Pasteur est nommé en 1854 doyen de la faculté des sciences de Lille. Dans ce grand centre industriel, il fréquente de nombreux fabricants qui lui soumettent des problèmes concrets : pourquoi l’alcool de betterave tourne-t-il parfois au vinaigre ? Comment sauver les élevages malades ? Ses travaux auront ainsi un impact majeur sur l’agroalimentaire : mesures d’hygiène, pasteurisation, contrôle au microscope des ferments… Pasteur a d’ailleurs lui-même la fibre entrepreneuriale : il fait breveter toutes ses inventions, crée des sociétés pour commercialiser ses vaccins et ses instruments, et fonde même la Société des bières inaltérables, qui vend des licences tirées de ses brevets.

4. La réfutation de la génération spontanée

D’où viennent les micro-organismes ? La question divise la science depuis des décennies. À l’époque de Pasteur, le célèbre médecin rouennais Félix Pouchet défend la théorie de la « génération spontanée », selon laquelle les micro-organismes apparaîtraient spontanément dans la matière organique qu’ils altèrent. Pasteur, lui, est convaincu qu’ils viennent toujours de l’extérieur, et plus particulièrement de l’air. Avec l’aide de son disciple Duclaux, il se lance dans une série d’expérimentations spectaculaires – certaines ayant même lieu dans les Alpes, à plus de 3 000 mètres d’altitude –, et parvient à prouver que dans un milieu isolé et convenablement stérilisé, la vie n’apparaît pas spontanément. Comme il le déclare dans sa leçon magistrale de 1864, prononcée à la Sorbonne devant le Tout-Paris : « La vie, c’est le germe ; et le germe, c’est la vie. »

5. Au secours des éleveursfrançais

En 1865, Pasteur est appelé à la rescousse pour étudier la maladie du ver à soie, qui décime les élevages de la région d’Avignon. À l’époque, la France produit 10 % de la soie mondiale. Pendant cinq ans, Pasteur va donc s’employer à sauver la sériculture. Les vers sont en réalité touchés par deux maladies distinctes : la pébrine et la flacherie. Le savant comprend que la première est héréditaire, et propose une méthode d’élimination des œufs infectés. Quant à la seconde, elle se transmet par les déjections de vers malades : de simples mesures d’hygiène peuvent en venir à bout. Les élevages sont sauvés, et Pasteur entrevoit, là aussi, l’implication de micro-organismes vivants dans la transmission des maladies. Une observation décisive pour ses futures recherches.

6. Le rival allemand

En 1876, un jeune médecin de campagne allemand, Robert Koch, démontre que le « charbon » – ou fièvre charbonneuse, une maladie infectieuse qui ravage les troupeaux de moutons et de vaches en Europe – est dû à un micro-organisme qu’il est parvenu à cultiver. Koch prouve même que ce microbe peut prendre la forme de spores très résistantes, ce qui explique le retour de la maladie d’année en année dans des champs infectés que l’on croit « maudits ». Pasteur est furieux. D’abord parce que Koch est allemand et que les plaies de la défaite de Sedan sont encore vives ; ensuite parce qu’il ne fait aucune mention de ses travaux précurseurs sur les micro-organismes. Il estime les méthodes de l’Allemand peu rigoureuses et s’empresse de mener ses propres expériences, dont les conclusions convergent. C’est le début d’une rivalité entre les deux scientifiques, qui se livreront à une course effrénée pour découvrir et guérir de nouveaux microbes. Koch identifiera notamment quelques années plus tard le bacille de la tuberculose, puis celui du choléra.

7. Pasteur et l’hygiène

Dans un célèbre discours de 1878 à l’Académie de médecine, Pasteur met en garde les chirurgiens contre les germes propagés par l’eau, l’éponge et la charpie utilisées pour laver et recouvrir les plaies : « Si j’avais l’honneur d’être chirurgien, pénétré comme je le suis des dangers auxquels exposent les germes des microbes […], non seulement je ne me servirais que d’instruments d’une propreté parfaite, mais après avoir nettoyé mes mains avec le plus grand soin et les avoir soumises à un flambage rapide, je n’emploierais que de la charpie […] préalablement exposée dans un air porté à la température de 130 à 150 degrés. » Ce que Pasteur décrit ici, ce sont les fondements de l’asepsie, méthode préventive pour faire barrage aux maladies infectieuses.

8. Vers la vaccination

Fort des découvertes de Koch, Pasteur s’est attelé à la recherche d’un remède à la fièvre charbonneuse. Lors de sa célèbre expérience de Pouilly-le-Fort, qu’il mène en 1881 devant un parterre d’éleveurs, de vétérinaires et de journalistes, il inocule une forme atténuée de la maladie à un troupeau de moutons. L’expérience est un succès et sera reproduite à plusieurs reprises par son disciple Louis Thuillier devant un public international. Ce processus d’inoculation est nommé « vaccination », en hommage aux travaux précurseurs du médecin britannique Edward Jenner sur la maladie de la vaccine.

Texte de LOU HELIOT

 

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