La liberté des médias traverse également une importante crise en Italie. Le 20 avril dernier, l’écrivain Antonio Scurati a vu son passage sur la RAI 3, chaîne de télévision publique, annulé sans autre forme de procès. Le spécialiste du fascisme italien s’apprêtait à y lire, dans le programme d’actualité Chesarà… une chronique à l’occasion du 80e anniversaire de la fin du régime de Mussolini. Le texte pointait implicitement l’incapacité de Fratelli d’Italia, le parti de la présidente du Conseil Giorgia Meloni, à rompre avec ses origines fascistes. Scurati a été prévenu quelques instants avant son passage qu’il ne serait pas diffusé pour des « raisons budgétaires », selon le directeur de l’information Paolo Corsini, mais la presse italienne n’a pas été dupe. Le texte a été lu et publié dans plusieurs journaux, après qu’un document invoquant des désaccords éditoriaux avec Antonio Scurati a finalement été dévoilé. La romancière Nadia Terranova a révélé dans la foulée que la chaîne n’en était pas à son coup d’essai : un mois plus tôt, son texte sur l’hubris (la démesure, l’arrogance du pouvoir) avait été censuré dans la même émission. Les employés de la RAI ont mené une grève de cinq jours pour protester contre l’emprise du gouvernement sur leurs publications. Depuis, les départs de la chaîne sont fréquents. On compte notamment celui du spécialiste des mafias Roberto Saviano, dont l’émission sur les liens entre la politique et les géants de la drogue a été suspendue. 

Giorgia Meloni a copieusement instrumentalisé l’affaire Scurati en publiant son texte sur ses réseaux sociaux, accusant la gauche d’être à l’origine de la censure. Sans parvenir toutefois à faire oublier l’interventionnisme de l’État sur la presse, très prégnant depuis son arrivée au pouvoir en 2022. Son gouvernement avait contraint le directeur de la RAI à démissionner avant que ne se retrouve propulsé à la tête de l’institution audiovisuelle le journaliste Marcello Foa, proche de La Ligue, un parti populiste d’extrême droite qui participe à la coalition gouvernementale. Un autre membre de cette formation politique, Antonio Angelucci, député déjà actionnaire des quotidiens Il Giornale et Libero, pourrait racheter la deuxième agence de presse du pays, l’Agenzia Giornalistica Italia. Un conflit d’intérêts contre lequel luttent les journalistes de l’agence, détenue jusqu’ici par le groupe d’hydrocarbures ENI. 

 

MARIE VINCENT

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