« J’ai parfois le sentiment d’appartenir à une autre époque. Je me revois, enfant, dans le jardin de notre maison dans les années 1950. J’écoutais mes parents et leurs amis qui riaient et plaisantaient en discutant de tous les sujets possibles, de la politique du moment à l’existence de Dieu, sans ressentir la moindre contrainte qui les aurait obligés à censurer ou atténuer leurs opinions. Je me souviens aussi de m’être retrouvé chez mon oncle préféré, Hammeed Butt, qui écrivait parfois des scénarios de films, et de son épouse Uzra, danseuse et actrice qui y jouait parfois un rôle. Je les regardais jouer aux cartes avec leurs amis du monde du cinéma, parlant de tout et de rien de manière encore plus provocatrice que les amis de mes parents et s’esclaffant encore plus bruyamment. C’est dans ce cadre que j’ai pris ma première leçon de liberté d’expression, que j’ai appris qu’elle devait aller de soi. Si vous redoutez les conséquences de ce que vous dites, vous n’êtes pas libre. Quand j’écrivais Les Versets sataniques, il ne m’est jamais venu à l’esprit d’avoir peur. »

Le Couteau, trad. Gérard Meudal © Éditions Gallimard, 2024

 

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