Si l’islamisme est un danger pour la République, il l’est tout autant pour l’islam. Aussi les imams et théologiens musulmans ont-ils un rôle crucial à jouer. Il faut l’admettre, les attentats ont bien à voir avec l’islam, car ce sont certaines interprétations des textes religieux qui permettent de justifier ces crimes.

La théologie et la jurisprudence islamiques classiques telles qu’elles sont transmises depuis le Moyen Âge jusqu’aux instituts de formation actuels ne sont plus adaptées pour faire face aux défis contemporains. L’ère du suivisme aveugle des théologiens et juristes du passé (taqlîd) doit s’achever en ce XXIe siècle pour rouvrir les portes de l’interprétation des textes (ijtihâd). Le travail est titanesque, mais nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur de nombreux penseurs contemporains qui, depuis le XIXe siècle, ont entamé une refondation de la pensée religieuse de l’islam. L’intégration de l’apport des sciences humaines et sociales à l’enseignement religieux est la condition nécessaire pour faire vivre cet islam des Lumières, qui doit s’appuyer sur l’herméneutique et l’apprentissage de l’esprit critique.

Il est temps d’oser débattre sur les questions les plus épineuses de l’islam : la contextualisation des concepts de mécréance (kufr) et de polythéisme (shirk) ; l’interprétation des textes en faveur de l’égalité hommes-femmes ; l’acceptation de l’homosexualité et de l’apostasie ; la refondation du discours sur la sexualité, la pudeur, la mixité hommes-femmes et celle entre les différentes cultures et convictions ; la nature du Coran ; le statut de la Parole divine face à la liberté humaine ; et surtout la place du Prophète Muhammad, dont la sacralisation est la cause du rejet des caricatures et de ses cruelles conséquences.

Pour contrer efficacement l’islamisme, il faut entrer dans un nouveau paradigme théologique et normatif. Former les imams en France n’aura de sens que si cet enseignement cesse de véhiculer des interprétations dépassées en les disqualifiant en amont pour éviter qu’elles ne servent à justifier des actes barbares. Cela implique parallèlement un important travail de pédagogie, en particulier auprès de la jeunesse musulmane, pour faire comprendre qu’il ne s’agit pas de détruire la foi, mais de changer de méthodologie pour relire les textes de l’islam avec raison et désamorcer tout argument permettant de justifier l’injustifiable. 

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