À Camille de Sainte-Croix.

Vous cachez vos cheveux, la toison impudique,
Vous cachez vos sourcils, ces moustaches des yeux,
Et vous cachez vos yeux, ces globes soucieux,
Miroirs pleins d’ombre où reste une image sadique ;

L’oreille ourlée ainsi qu’un gouffre, la mimique
Des lèvres, leur blessure écarlate, les creux 
De la joue, et la langue au bout rose et joyeux,
Vous les cachez, et vous cachez le nez unique !

Votre voile vous garde ainsi qu’une maison
Et la maison vous garde ainsi qu’une prison ;
Je vous comprends : l’Amour aime une immense scène.


Frère, n’est-ce pas là la femme que tu veux :
Complètement pudique, absolument obscène,
Des racines des pieds aux pointes des cheveux ?

 Sonnets du Liban, 1885

 

 

Compagnon de Rimbaud, Germain Nouveau fut son égal en poésie selon Aragon. En 1884, il enseigne le français dans un collège chrétien de Beyrouth. Son sonnet « Musulmanes » illustre les contradictions de son génie mystique et sensuel. « Savoir aimer suffit, savoir aimer délivre », écrit-il ailleurs en disciple panthéiste du Christ. 

  

 

 

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