L’image qui restera, c’est évidemment lui, manteau au vent, saisi sur la lande irlandaise. Sortie de scène magnifique, intransigeante, romantique. Il ne voulait pas être à Paris, ce 18 juin 1969. La douleur amoureuse devait être trop grande. Pourtant, si on prend la peine de tendre l’oreille, de le suivre heure par heure, de croiser le récit des témoins avec ses paroles et ses écrits, c’est un an plus tôt, le 29 mai 1968, partant dans le plus grand mystère à Baden-Baden, que le Général choisit de sortir de scène. Déjà, il rêve d’Irlande… Nous sommes le 29 mai après-midi, à la résidence du chef des forces françaises en Allemagne. De Gaulle, épuisé par sa fuite, retrouve ses esprits, dans le bureau de son vieux compagnon Massu.

Les feux du soleil de mai inondent la pièce ; une douce odeur de café flotte dans l’air. De Gaulle est bercé par l’ambiance bucolique de cet après-midi de province. Dans la pièce d’à côté, les heureux vaquent et bavardent ; la charpente en bois fait résonner leurs chuchotements et leurs pas ; il envie leur insouciance. Le retour martial de Massu le fait sursauter. Il n’a d’autre réflexe pour retrouver une contenance que de regarder sa montre, et lâche cette phrase de vaincu : 

« … À l’heure qu’il est, les communistes défilent dans Paris… » 

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