Grandeur et servitude de notre métier de papier, les lignes que vous lisez se sont figées à un moment où de grandes décisions ne l’étaient pas. Moins la décision du Covid de continuer à circuler dans nos rues et dans nos vies (il n’en fait qu’à sa tête) que celle des pouvoirs publics de nous re-reconfiner. Le contraire du : « Circulez, y a rien à voir ! » cher à Coluche. Plutôt un ferme : « Rentrez chez vous et n’y revenez plus avant qu’on vous siffle ! » Si l’humour est la politesse du désespoir, et si « la plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté », nous dit la philosophe Corine Pelluchon citant Bernanos, bien malin ou devin, ou carrément imprudent, qui pourrait répondre à la question posée par ce numéro. Ça s’arrête quand ? Entre le « dès demain » et le « plus jamais », nos cœurs balancent au-dessus du vide et notre moral est en berne (façon de dire qu’on se sent berné ?). Au bout d’une année d’inquiétude, de peurs, d’atteintes à nos vies – physiques pour les malades, intimes, sociales et professionnelles pour tout le monde –, on se prend à douter qu’un jour l’épidémie sera derrière nous, et un avenir sinon radieux, mais débarrassé de variants divers et variés, devant nous.

Bien sûr, on peut grappiller quelques bribes d’optimisme en écoutant l’épidémiologiste Antoine Flahault qui, sous réserve de nombreuses conditions tout de même – mobilisation des moyens pour une vaccination massive et rapide, respect strict de gestes-barrières –, n’exclut pas un retour à la normale ou presque. Surtout si les populations âgées et à risque sont vaccinées d’ici l’été, mais aussi les plus jeunes. Ce « préservatif contre le coronavirus » qu’est le masque pourrait cependant ne pas tomber de sitôt. Mais les confinements, eux, seraient de l’histoire ancienne.

 

Si ces lignes n’ont pas réussi à vous dérider, alors dépliez le poster où vous attend une pièce mentale en sept actes du psychiatre Christophe André. Vous allez vous y reconnaître. Et surtout, vous puiserez force d’âme pour affronter ces temps couverts. L’auteur nous donne quelques pistes pour sortir de l’« enfilade d’espoirs déçus ». Avec pour la (longue) route un coup de Spinoza : « Bien faire et se tenir en joie. » Prendre notre mal en patience, le tenir à distance, respirer un grand coup. Et penser à la souris qui se noie dans le pot au lait, nous dit Christophe André : « Elle nage quand même, de toutes ses forces jusqu’à la fin, plutôt que se laisser couler. Au bout d’un moment, le lait s’est transformé en beurre, et elle n’est pas noyée. Mais il lui a fallu être patiente. » Patience et longueur de temps. Et aussi qu’on nous parle gentiment, comme le demandait l’autre soir sur France 2 le comédien Niels Arestrup, après avoir avoué sa dépression, faute de pouvoir jouer sur scène. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !