Pendant le premier confinement, nous réfléchissions ardemment au « monde d’après ». Forcément différent du monde d’hier, il était attendu, espéré au coin de la prochaine rue, perçu comme imminent après quelques semaines d’effort collectif. Presque un an plus tard, nous n’en parlons quasiment plus. Une certaine lassitude et un enlisement aux paradoxales allures de course contre la montre ont embrouillé l’horizon. Une seule chose est désormais claire : nous allons devoir tenir.

Un virus n’a pas d’intentionnalité, à part peut-être celle de trouver des hôtes pour se multiplier puisqu’il est incapable de le faire seul. Contrairement à ce qu’on a pu lire et entendre ici et là, les responsables, le Covid-19 et ses divers variants, n’ont nullement surgi dans le but de nous faire la morale, encore moins avec l’intention de nous châtier. Mais, à défaut de recevoir des leçons de leur part, nous pouvons en tirer mille et une pour notre propre compte, en analysant ce que nous avons collectivement appris grâce à lui.

En voici déjà trois qui semblent se dessiner.

D’abord, la pandémie de Covid-19 en cours, avec ses phases de confinement successives, a offert une parfaite illustration de l’ambivalence des technologies numériques. Nombreux sont ceux qui (Covido ergo Zoom !) ont pu continuer à exercer une activité professionnelle grâce au télétravail, à bénéficier de soins grâce à la télémédecine, à se former grâce au télé-enseignement et à rester en relation avec leurs proches, sans risque d’infection, grâce aux outils de communication. Mais dans le même temps, la pandémie a rendu manifestes les effets négatifs d’une trop grande virtualisation de la société. Nous le savions, bien sûr, mais nous avons pu le vérifier là à grande échelle : le contact humain et la présence physique sont essentiels à la fois au tissu démocratique et au sentiment d’appartenance à un monde commun. Aussi impressionnantes soient-elles, les prouesses digitales n’en peuvent mais. Par exemple, la qualité du télé-enseignement est moindre que celle de l’éducation désormais (et horriblement) dite « en présentiel ».

Ensuite, nous avons vu se déployer en temps réel la dynamique typique de l’effet dit « Dunning-Kruger » : quand on découvre un nouveau problème, on se sent plein d’assurance, on parle à tort et à travers bien au-delà de ses compétences, on s’exclame urbi et orbi : « Je ne suis pas spécialiste, mais… » Puis, à mesure qu’on s’informe, qu’on enquête, qu’on creuse, on finit par comprendre que l’affaire est plus complexe qu’on ne l’eût soupçonné. On perd alors son assurance, pour la regagner peu à peu à mesure que l’on devient compétent, mais elle est teintée de prudence, désormais. Aujourd’hui (presque), tout le monde, me semble-t-il, a saisi que cette pandémie est une affaire diablement compliquée. Du coup, l’arrogance se porte un peu moins bien qu’il y a quelques mois, sauf dans les réseaux spécialement dessinés pour lui prêter main-forte.

Enfin, on commence à pressentir qu’au terme des débats, c’est la recherche qui aura le dernier mot. Du moins est-il permis de l’espérer. En effet, c’est seulement grâce à elle qu’on finit par savoir ce qu’il en est de telle ou telle question qui avait provoqué, par excès d’impatience, des controverses aussi intenses que stériles. Songeons aux vaccins, qui pourraient bien nous tirer d’affaire, bien plus en tout cas que tel ou tel médicament promu un temps de façon inconsidérée. On n’a guère entendu dans les médias les chercheurs qui, au prix d’un dur labeur, les ont conçus et mis au point. Signe, sans doute, que compétence et expertise s’accommodent aisément de la discrétion… 

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