Selon les nutritionnistes, il y a un mauvais et un bon cholestérol. La légèreté, c’est pareil : employée à toutes les sauces, elle passe aussi bien pour une faiblesse que pour une qualité. On la fustige ou l’encense.

Légèreté d’une personne superficielle, inconstante, étourdie, désinvolte, futile, je-m’en-foutiste… Mais souplesse d’une danseuse, fluidité d’un papillon, finesse d’une étoffe, douceur d’une caresse… La légèreté a deux poids et deux mesures.

Est-il logique qu’un même mot désigne d’absolus contraires ? Quel rapport entre la femme légère, perçue comme volage, facile, et l’ermite ou le mystique qui s’est allégé de tous les biens matériels pour s’élever vers le ciel ?

On n’en finit pas de s’alléger, en prétendant garder les pieds sur terre

Mais nous n’allons tout de même pas reprocher à la langue française d’exprimer nos contradictions, nous qui croulons sous le poids de l’ultralight ! La légèreté n’a pas le monopole de l’ambivalence. L’écran, par exemple, qui nous occupe tant, est un autre de ces mots Janus à double face : il sert tantôt à montrer, tantôt à cacher ; fenêtre sur le monde ou paravent, écran d’ordinateur ou écran de fumée ; miroir aussi, dans lequel on se cherche autant qu’on y recherche. « Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de nous renvoyer notre image », disait Cocteau.

Miniaturisation, dématérialisation, liposuccion… On n’en finit pas de s’alléger, en prétendant garder les pieds sur terre. La loi de la gravité en est bousculée, et c’est avec gravité qu’il faut considérer cette apesanteur. Pour faire court, et sans être lourd, disons que la légèreté ne doit pas être prise à la légère. 

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