Les salaires des jeunes enseignants français figurent parmi les plus bas d’Europe. D’après l’OCDE, en début de carrière, un enseignant du second degré gagne en moyenne 30 500 euros brut par an, soit 5 300 euros de moins que la moyenne des enseignants du collège de l’OCDE et 7 400 euros de moins que les enseignants du lycée. À ces 1 600 euros net par mois peuvent s’ajouter des heures supplémentaires et diverses indemnités, présentées ici en brut : affectation en REP (96 euros), professeur principal (117 euros), professeur des écoles spécialisé (129 euros), prime d’installation en début de carrière (2 000 euros). 

Contrairement aux salariés du secteur privé, les enseignants effectuant des heures supplémentaires ne bénéficient d’aucune majoration. Au contraire, dès le cinquième échelon, la rémunération de la première HSA (les heures supplémentaires effectuées tout au long de l’année) devient inférieure à celle de l’heure ordinaire. Comparativement à d’autres pays européens comme le Luxembourg (67 800 euros), l’Allemagne (52 200 euros) ou encore l’Espagne (36 000 euros), le jeune enseignant français est donc très pauvrement rémunéré au vu de sa mission. En fin de carrière, en revanche, les salaires des Français remontent dans la moyenne haute. Une « aberration » pour Éric Charbonnier de l’OCDE, pour qui « le choix de la plupart des pays de mieux rémunérer leurs enseignants en début de carrière et de faciliter les reconversions est une approche bien plus intelligente ».

À l’heure où la perspective d’une carrière longue angoisse, où les Français changent en moyenne une dizaine de fois de profession dans leur vie, l’entrée dans le monde fermé de l’Éducation nationale équivaut à se tirer une balle dans le pied. « Une telle proposition est décalée par rapport au marché du travail, le modèle n’est plus adapté. » Si un enseignant peut devenir chef d’établissement ou inspecteur, quitter le milieu de l’éducation s’avère beaucoup plus délicat. « Les années d’expérience en tant qu’enseignant sont généralement peu valorisables en entreprise », précise-t-il. 

Entre 2000 et 2010, bien que les salaires des enseignants aient augmenté dans presque tous les pays de l’OCDE, la France fait figure d’exception, aux côtés de l’Angleterre et de la Grèce. Le salaire moyen d’un professeur ayant dix ans d’expérience a ainsi régressé de 8 % sur cette période. Selon l’Insee, la baisse salariale est trois fois plus élevée que pour les autres fonctionnaires, à cause d’un système de primes moins avantageux. Cette baisse s’explique en partie par le gel du point d’indice de la fonction publique depuis le 1er juillet 2010, et par la hausse des cotisations sociales. 

Le salaire est-il pour autant la raison principale de la non-attractivité de la profession ? Selon François Dubet, « les enseignants ont toujours été mal payés mais, aujourd’hui, cette relative modestie des revenus n’est plus compensée par le prestige social ». En Finlande, décidément une référence en la matière, les enseignants sont relativement peu rémunérés mais la profession étant davantage respectée, les candidats se bousculent au concours d’entrée. On compte, dans le pays, un poste disponible pour dix candidats. « Il faudrait revaloriser la profession, par exemple en revoyant l’entrée dans la vie professionnelle qui se fait dans des conditions dégradées et qui détourne trop de jeunes enseignants, beaucoup abandonnant au cours de la première année. » Envoyés prioritairement dans les quartiers défavorisés et donc plus difficiles en matière de discipline, nombreux sont les débutants qui se dégoûtent rapidement du métier. En confirmant mercredi 29 août 2018 l’attribution d’une prime de 1 000 euros net à tous les enseignants des établissements classés REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé), ainsi que 2 000 euros supplémentaires en fonction du mérite, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer cherche à pallier cette difficulté tout en augmentant sensiblement la rémunération d’une partie des enseignants français. Une mesure positive, selon Éric Charbonnier, qui encouragera les enseignants plus expérimentés à prendre le relais dans les zones difficiles. Les syndicats, quant à eux, s’inquiètent de l’accroissement d’une mise en concurrence déjà existante entre les enseignants. Sarah Dehove, professeure de français à Aubervilliers, doute de la pertinence d’un tel système : « Comment évalue-t-on un professeur ? s’interroge-t-elle. Selon le bien-être qu’il apporte à ses élèves ou selon leurs notes dans le bulletin scolaire ? Et que faire de cette évaluation ? C’est le meilleur moyen de décourager tout projet collaboratif. Et de créer des hiérarchies entre les établissements. » Interrogé à ce sujet à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, le mercredi 29 août, le ministre de l’Éducation nationale a dévié la conversation sur le thème de l’éducation prioritaire de manière globale, évitant cette question épineuse.  

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