Notre pays fait-il l’expérience d’une crise du recrutement de ses enseignants ? Contrairement à l’Allemagne, la Belgique ou la Norvège, confrontées à une pénurie globale de professeurs qualifiés, la France doit faire face en particulier à deux sortes de carences : les problèmes de sous-effectif concernent en effet davantage certaines disciplines (mathématiques, lettres modernes et anglais notamment), mais aussi certaines académies (Créteil, Amiens, etc.). Chaque année, 30 000 contractuels sont embauchés pour pourvoir des postes vacants. Non titulaires, ils sont de plus en plus nombreux à s’engager d’une année scolaire à l’autre, sans garantie pour la rentrée suivante. Le nombre de titulaires a quant à lui largement décru (- 11,9 % entre 2005 et 2013).

Attirer davantage de candidats pour atteindre des objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs de recrutement est l’un des défis majeurs du monde éducatif actuel. Pour François Dubet, la « mastérisation » des métiers de l’enseignement – c’est-à-dire l’accès au concours de l’éducation nationale à bac + 4 – est l’un des obstacles majeurs au recrutement. « On se spécialise d’abord et ensuite on devient enseignant », souligne-t-il. Or, à ce niveau d’études, d’autres perspectives professionnelles s’ouvrent aux étudiants, notamment en mathématiques et en sciences, mais pas seulement. En français et en langues aussi, l’enseignement n’arrive plus à recruter suffisamment. 

Compte tenu du problème, l’OCDE préconise un remaniement du concours. Pour Éric Charbonnier, une solution envisageable serait d’ouvrir une licence en sciences de l’éducation pour éviter de perdre, au moment de l’entrée en master, toute une partie des étudiants attirés par des salaires plus attractifs dans le milieu de l’entreprise. Tout en garantissant une reconversion possible, pour ne pas effrayer les jeunes candidats qui auraient envisagé, dès les études supérieures, plusieurs vies en une. 

Pasi Sahlberg, ancien enseignant finlandais devenu conseiller politique, auteur de Finnish Lessons 2.0. What Can The World Learn from Educational Change in Finland ? (Teachers’ College Press, 2014, non traduit) préconise de prendre modèle une fois de plus sur son pays, qui a su ouvrir le spectre du recrutement en piochant dans la diversité des candidats. L’université d’Helsinki, qui forme chaque année une centaine de futurs enseignants, ne choisit pas « les meilleurs ni les plus brillants parmi les nombreux candidats ». Elle préfère cibler des individus aux profils variés, dont les qualités garantissent une potentielle aptitude pour la transmission. En 2015, il s’exprimait à ce propos dans les pages du quotidien britannique The Guardian : « Ils savent que le potentiel d’enseignement est mieux réparti entre différentes personnes. Les jeunes athlètes, les musiciens et les jeunes leaders, par exemple, ont souvent les caractéristiques émergentes des grands enseignants sans avoir les meilleurs résultats scolaires. Ce que la Finlande montre, c’est que plutôt que de recruter “les meilleurs et les plus brillants” dans l’enseignement, il est préférable de concevoir la formation initiale des enseignants de manière à tirer le meilleur des jeunes qui ont une passion naturelle pour enseigner. » À ses yeux, le rôle d’un professeur dans une école ressemble à celui d’un joueur dans une équipe de football. Chaque enseignant dans son individualité importe, mais la qualité de l’école et sa manière de fonctionner d’un seul et même bloc compte plus encore. 

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