Il y a quelques semaines, la Fondation Jean-Jaurès publiait une étude éclairante sur l’état de la société française, marquée par un sentiment dominant : la fatigue. Ce terme arrivait en effet en tête des treize qualificatifs proposés aux quelque 16 000 sondés pour caractériser leur état d’esprit actuel, devant l’« incertitude » et l’« inquiétude ». Un terme à la fois précis et polymorphe, qui peut recouvrir de multiples réalités, allant de la lassitude physique à différentes pathologies mentales.

On peut voir, bien sûr, dans ce sentiment de fatigue la conséquence logique d’une crise sanitaire qui n’en finit pas, et qui épuise les volontés à force de craintes et d’espoirs déçus. On peut aussi y reconnaître le produit de la litanie de mesures énoncées depuis vingt-deux mois, aux règles toujours changeantes et envahissantes. Mais, là comme ailleurs, le virus agit moins comme déclencheur que comme révélateur : la fatigue que nous éprouvons aujourd’hui était sans doute déjà là, en sommeil ou en germe, et n’attendait qu’un phénomène d’accumulation pour s’imposer au corps social.

Pourquoi, alors, une telle fatigue collective ? Comment expliquer que tant d’entre nous se sentent oppressés, assommés, impuissants face au sentiment de perte de contrôle ? Ce premier numéro de l’année du 1 se penche sur ces mécanismes qui finissent par rendre nos vies aussi stressantes que machinales : emplois du temps surchargés, injonctions à la performance et à la rentabilité, confusion entre vie publique et vie privée, règne des écrans et de la pensée numérique… Autant de facteurs décrits par les philosophes Tristan Garcia et Hélène L’Heuillet notamment, dont les analyses laissent apparaître, en creux, des pistes pour reprendre les rênes de notre quotidien, et sortir du désarroi contemporain.

Entendons-nous bien : en cette période de bonnes résolutions, nous ne vous adresserons pas une énième liste d’injonctions à respecter – tout au plus une invitation à quelques « méta-résolutions » proposées par le psychiatre Christophe André. Pas plus nous ne vous soumettrons à ces « défis » et « challenges » censés aider à devenir « la meilleure version de soi-même » – titre choisi, fort à propos, par la comédienne Blanche Gardin pour sa nouvelle série télévisée, qui brocarde les travers de l’époque. Simplement une réflexion sur les structures, politiques et psychologiques, qui peuvent nous étreindre et nous enfermer. Afin d’entrer dans cette année avec une résolution nouvelle, celle de retrouver, partout où cela est possible, des espaces de liberté.

À sa manière, le 1 essaie de promouvoir cet esprit de liberté. Merci pour votre fidélité et pour votre confiance, et très bonne année à toutes et à tous. 

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