Résumons les nouvelles du front. Le virus, toujours indéchiffrable, accélère sa course folle, mute de la chauve-souris au vison et menace dans certains cas les fonctions neurologiques ou cardiaques de ses victimes ; les virologues assurent que les vaccins sur le point d’être produits ne suffiront pas, à eux seuls, à éradiquer la pandémie, les masques ne sont pas près d’être remisés ; le Premier ministre peine à convaincre du bien-fondé d’un confinement pavé d’exceptions ; à l’Assemblée, son ministre de la Santé épuisé perd un instant la maîtrise de ses nerfs ; 67 % des Français approuvent le confinement, mais 60 % le contournent ; place du Capitole, à Toulouse, mille interdits de travail – commerçants, indépendants, artistes – miment leur mort, à la manière des performeurs d’Act Up contre le sida. 

Comment ne pas désespérer devant tant d’incertitudes, ne pas devenir fous devant tant d’injonctions contradictoires ? On s’étonnerait presque que le niveau de pessimisme des Français, étudié par l’Ifop depuis 1995 (70 %, début novembre) n’ait pas battu le record des années Hollande (72 %). Ce numéro du 1 tente de sonder nos cœurs et nos esprits. À coup sûr, le deuxième confinement aggrave les tendances observées au printemps. La consommation de psychotropes, traditionnellement haute en France, a encore augmenté, tout comme les consultations de psychologues et les appels de détresse aux permanences d’écoute. Les étudiants sont particulièrement affectés par l’isolement.

Face à cette crise sans fin, certains sombrent dans la dépression, d’autres cèdent à la colère, s’emploient à la fabrication d’un ennemi, d’un bouc émissaire. Pour le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez, il faut prendre garde à ce que cela ne dégénère pas « en paranoïa collective », car « il n’y a rien de plus contagieux ». À Nice, la pédopsychiatre Florence Askenazy, qui a pris en charge 3 000 enfants et parents depuis l’attentat du 14 juillet 2016, craint que l’effet cumulatif des confinements, du retour du terrorisme et des inondations meurtrières d’octobre sur un psychisme à vif n’entraîne des troubles post-traumatiques. Pour lutter contre le stress qui active notre production de cortisol, Capucine Pénicaud, spécialiste des questions de santé, met en évidence le rôle de l’ocytocine, l’hormone du plaisir et du lien social. Pour rendre supportable un confinement de cent jours, les autorités australiennes ont permis des rencontres hebdomadaires avec un partenaire intime ou quelques amis. C’est peut-être une lueur d’espoir paradoxale : et si les gestes barrières redonnaient de la valeur au contact physique et au soin collectif ? 

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