En matière de climat au moins, le changement, c’est maintenant. Si la France garde encore les yeux rivés sur des perspectives lointaines, à l’horizon 2050 ou 2100, d’autres régions de la planète connaissent déjà de profonds bouleversements dus au réchauffement climatique. Chacune d’entre elles lutte à sa manière pour résister aux dégâts écologiques et humains que ce phénomène occasionne. Tour d’horizon de ces territoires en quête de survie.

 

Kiribati

Ce petit archipel de l’océan Pacifique, peuplé de 110 000 habitants, surnage à peine, trois mètres au-dessus du niveau de la mer. Dès 1999, deux îlots ont disparu, engloutis par les eaux. D’autres pourraient suivre si la montée des flots continue au rythme actuel. Le changement climatique engendre d’autres phénomènes catastrophiques pour les Kiribati : récurrence de cyclones ravageurs, érosion des côtes (où se concentre la population), contamination des terres agricoles et de l’eau potable par le sel, baisse du rendement des récoltes. Avant même son engloutissement, l’archipel craint pour sa survie alimentaire et économique. En 2014, le président alors en fonction, Anote Tong, avait marqué les esprits en achetant aux Fidji un lopin de terre de 22 km2, censé pouvoir offrir un refuge à son peuple. Une initiative symbolique qui avait alerté les médias du monde entier sur le sort du petit État micronésien, ainsi que sur celui du Tuvalu tout proche. Depuis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, notamment, ont accru leur aide financière, mais la question des réfugiés climatiques risque de se poser de façon plus pressante. La Banque mondiale a bien recommandé au printemps une ouverture totale des frontières des deux pays pour permettre une migration progressive des populations pacifiques, plutôt qu’un exode massif et incontrôlé. Mais pour l’heure, aucun d’eux n’a encore accordé le statut de réfugié aux migrants qui en ont fait la demande.

 

Maldives 

D’autres États insulaires sont confrontés aux mêmes problématiques, dans l’océan Indien notamment. Loin des clichés touristiques et des vacances paradisiaques, l’archipel des Maldives, par exemple, lutte contre la montée des eaux qui menace le sable corallien et entraîne une forte érosion. De nombreux habitants ont déjà quitté les îles les plus menacées pour s’installer à Malé, la capitale surpeuplée. Pire : les pavillons qui s’y construisent usent largement du sable des lagons environnants, accélérant le phénomène. Mais les Maldives ont une parade : plus riche que les États micronésiens grâce à la manne touristique, l’archipel a passé depuis quelques années des accords avec le Bangladesh pour lui acheter du sable. Des centaines de barges qui, chaque année, arrachent le sédiment dans le delta du Gange et du Brahmapoutre pour venir consolider des îles à 3 000 km de là. L’opération, hélas, n’est pas sans dommages : alors que 10 % de son territoire est déjà situé sous le niveau de la mer, le Bangladesh ne peut que pâtir de cette érosion artificielle qui facilitera les inondations. D’ici 2050, près d’un tiers de ses habitants pourraient ainsi être amenés à se déplacer, soit quelque 50 millions de personnes – un défi immense pour un pays qui est déjà l’un des plus densément peuplés de la planète. D’autant qu’il faudra nourrir cette population, alors même que les terres agricoles sont rongées par des niveaux de sel très élevés. Depuis quelques années, le Bangladesh s’est d’ailleurs mué en champion de l’innovation agronomique, afin de développer des plants OGM résistants au sel notamment.

 

Lac Tchad

Situé à la rencontre de quatre États (Niger, Nigeria, Tchad et Cameroun), le lac Tchad était jadis l’un des plus grands au monde. C’est aujourd’hui un patrimoine en voie de disparition. Peu profond – à peine quatre mètres en moyenne –, le lac est en effet particulièrement vulnérable à l’évaporation et à la sécheresse. Sous le double effet de l’irrigation massive et de la raréfaction des pluies (en partie due à la pollution de l’air venue d’Europe), il a vu sa superficie divisée par seize en quelques décennies, passant de 26 000 km2 dans les années 1960 à tout juste 1 540 km2 aujourd’hui. Une évolution brutale qui a certes permis la création de larges surfaces agricoles, mais qui a également causé la disparition de nombreuses espèces végétales et animales, et augmenté la salinité de l’eau. Pour sauver ce réservoir d’eau douce, le seul de cette région déchirée par les conflits, un projet pharaonique est envisagé depuis les années 1990 : détourner une partie des eaux de l’Oubangui, un affluent du fleuve Congo, pour les transporter jusqu’au lac Tchad via un canal de 1 350 km. L’Union européenne a récemment affiché ses doutes devant une telle aventure, dont elle craint le coût et les risques écologiques. 

 

Pays-Bas

En Europe, justement, la Hollande reste aujourd’hui l’un des premiers pays concernés par le réchauffement climatique et la montée des eaux : 47 % de la population y vit sur des terrains situés sous le niveau de la mer, couvrant près d’un quart du territoire national. Voilà des siècles que le pays se bat contre les eaux et le risque d’inondation, avec le souvenir du « désastre » de 1953, qui avait causé 1 800 morts. Depuis les années 1990, les Pays-Bas ont opté pour une nouvelle politique d’aménagement, doublant les digues et les barrages d’approches plus innovantes : maisons flottantes, comme celles du quartier d’IJburg, dans le sud-est d’Amsterdam, jardins sans béton pour mieux accueillir les eaux de pluie, parcs municipaux capables de se muer en réservoirs en cas d’inondation… Le programme Room for the River, mis en place au cours de la dernière décennie, a également permis de creuser le lit des rivières et des canaux, afin de prévenir la montée des eaux dans le delta du Rhin. Un ensemble de dispositifs que les Néerlandais promeuvent aujourd’hui aux quatre coins de la planète : les entreprises du pays figurent parmi les leaders mondiaux en matière de gestion de l’eau et de conception d’infrastructures. Le changement climatique n’exclut pas les opportunités économiques. 

 

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