On ne l’appelle pas Paul ­Watson mais « Capitaine Watson ». Ce militant souvent qualifié de « terroriste des mers », tant ­redouté par la flotte baleinière japonaise et autres braconniers des océans, a remisé son uniforme de marin. Le cofondateur de Greenpeace qui a créé en 1977 Sea Shepherd Conservation Society, une ONG dédiée à la défense des animaux marins aux méthodes offensives, s’est établi provisoirement à Paris, sur l’île Saint-Louis. Il se contente simplement de dire « l’Île ». Elle n’a pourtant rien des îles Samoa ou des îles Tonga près ­desquelles il trouvait refuge en 2012 pour échapper au mandat d’arrêt lancé contre lui par Interpol, rien non plus des îles Féroé où son ONG a récemment lancé une opération de sauvetage de dauphins globicéphales victimes du « grind », une pêche traditionnelle. 

Sa silhouette massive s’impose au fond du café désert. Lamya Essemlali, la ­responsable de l’antenne française de l’association, nous avait prévenus : « Il impressionne beaucoup les gens. » Le Canadien de 64 ans, issu d’un village de pêcheurs du New Brunswick, est arrivé cet été dans l’Hexagone. Pourquoi a-t-il choisi la France ? « En partie pour elle », dit-il en nous désignant la jeune Française qui l’accompagne. « Nous sommes fiancés. » Cœur tendre et détermination d’acier. À l’image du « blason » de Sea Shepherd qu’il arbore sur la poitrine et que l’on retrouve sur les drapeaux de sa flotte. « Il représente la mort que l’homme répand dans les océans, mais aussi l’équilibre de la nature et notre ­volonté de protéger les animaux », précise-­t-il. Lorsqu’il évoque ses souvenirs de « campagnes », Paul Watson revient sur sa rencontre décisive, en 1975, avec un mammifère marin. Depuis une modeste embarcation de Greenpeace, il a tenté de s’interposer entre un baleinier et un cachalot qui venait d’être harponné. « L’animal s’est hissé au-dessus de nous et j’ai croisé son regard. Il aurait pu nous faire chavirer mais il a replongé dans la mer et s’est laissé mourir. J’ai l’intime conviction qu’il comprenait que nous cherchions à le sauver. »

Souvent traité de « pirate », Paul Watson développe une stratégie (contestée) qu’il définit comme « agressive non violente ». Pour neutraliser la chasse à la baleine, ses équipages utilisent des pièges visant à immobiliser les bateaux et lancent du beurre rance sur les ponts afin de rendre la viande impropre à la consommation. Lamya Essemlali précise qu’en trente-cinq ans, il n’y a jamais eu aucun blessé. « Nous sommes fiers d’avoir réduit de 90 % le nombre de baleines tuées », ­souligne-t-elle. De quoi faire perdre aux Japonais le profit d’un juteux commerce. 

En 2012, Paul Watson est arrêté à l’aéroport de Francfort. Le Costa Rica l’accuse d’avoir violé le droit maritime. Il est ­libéré sous caution et se réfugie au milieu du Pacifique, dans un endroit gardé secret. Pour le fugitif, il s’agit d’une « conspiration ». Aujourd’hui, il peut circuler librement entre la France et les États-Unis. « Ils ne prennent pas au sérieux ces accusations. »

Depuis la terre ferme, il reste animé par les mêmes convictions. « Les êtres humains ne vivent pas en accord avec les lois dictées par la nature : la ­diversité, l’interdépendance et le respect des ressources. » Aujourd’hui, il s’en remet aux capitaines de sa flotte et se consacre à ses projets d’écriture. « Je fais la même chose, mais par d’autres moyens. » Sur les navires de Sea Shepherd, la consigne reste la même : 100 % végétalien. 

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