« Sans les animaux, il n’y aurait pas eu de civilisations »
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Quels problèmes pose la consommation de viande aujourd’hui ?
Elle a des conséquences désastreuses au niveau du réchauffement climatique. Selon, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’élevage industriel est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, soit davantage que l’ensemble des transports. La viande industrielle frelatée est néfaste pour notre santé, elle provoque cancers, maladies cardio-vasculaires, cholestérol et diabète. Elle est aussi problématique en matière de production céréalière. Faut-il nourrir les hommes ou plutôt les bêtes, elles-mêmes censées nourrir les hommes ? Les animaux d’élevage sont de très mauvais transformateurs d’énergie : pour 1 calorie animale, il faut environ 7 à 11 calories végétales. En Europe, près de 70 % des terres agricoles servent à l’alimentation des animaux. Or, il y a encore plus d’un milliard d’affamés sur terre… Sans parler du rapport merveilleux entre les hommes et les animaux domestiques qui s’est épouvantablement dégradé.
Un rapport merveilleux ?
Pendant des milliers d’années, les animaux ont été sacralisés. En 1600, date emblématique, Olivier de Serres publiait Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs. Dans ce traité, l’agronome explique aux bouviers, les gardiens de bœufs, comment traiter leurs animaux : à quel moment les emmener paître, comment détecter une épine dans leurs sabots, comment tenir une étable… Des précautions qui traduisaient un réel amour pour ces bêtes d’élevage à qui nous devons tout. Elles nous ont offert leur chair, leur peau et leur incroyable force de travail qui a été indispensable à l’essor de l’agriculture. Sans les animaux, les civilisations humaines n’auraient pas émergé.
Aujourd’hui, le traitement que nous leur infligeons est répugnant. En Chine par exemple, des hommes sont chargés de faire le tri entre les poussins : ceux-ci arrivent par milliers sur un tapis roulant au bord duquel les attend un « sexeur » qui les retourne un par un à une vitesse extraordinaire : les femelles, qui deviendront des poules pondeuses, sont remises sur le tapis ; les mâles sont envoyés directement à la poubelle.
De manière générale, l’homme a-t-il tendance à moins consommer de viande aujourd’hui ?
Non. On observe une poussée colossale de la consommation de viande dans les pays où émergent des classes moyennes. En Chine, les conséquences sont désastreuses. Ne possédant que 7 % de la surface agricole mondiale pour 1,5 milliard d’habitants, ce pays accapare des terres en Afrique. En France, au contraire, la consommation de viande a tendance à stagner, voire à baisser légèrement. Il y a dix ans, les Français consommaient environ 100 kilos de viande par an, soit 10 kilos de plus qu’aujourd’hui. Les préoccupations des consommateurs européens ont évolué, notamment grâce à l’émergence des produits biologiques. Ils ont créé de nouvelles habitudes alimentaires.
Ne pensez-vous pas qu’il s’agisse d’une simple mode ?
Je crois au contraire que c’est une tendance historique. Les industries sont allées trop loin et pour la première fois apparaît une forme de dégoût de la viande industrielle. Il s’agit d’un mouvement de fond très solide. Il n’y a qu’à voir l’émergence des magasins bios, qui s’est faite à une vitesse extraordinairement rare. Plus de la moitié des Français achètent des produits bios. C’est une révolution.
Quel regard portez-vous sur l’affaire de la « ferme des mille vaches » ?
Cette affaire est parfaitement logique. Depuis que la présidence de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) est passée des mains des éleveurs à celles des céréaliers, il n’y a plus que le rendement qui compte. L’actuel président, Xavier Beulin, soutient à fond la ferme de Michel Ramery. Il est lui-même à la tête de Sofiprotéol, une immense coopérative au chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros. Il incarne un fantasme, celui d’un monde où il ne resterait que cent mille agro-managers. On fera bientôt des fermes de dix mille vaches. Il y a déjà un projet de 250 000 poulets en route dans la Somme. La logique de ces industriels est d’achever ce qu’il reste de l’agriculture.
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