Longtemps, il a été synonyme de désastre personnel, d’exil intérieur et de mort quasi certaine. Les choses ont heureusement changé, des tabous ont été levés, une forme de banalisation est en cours sous le double effet paradoxal de l’avancée des connaissances et des thérapies (un cancer sur deux est aujourd’hui guéri), mais aussi de sa prévalence (le cancer, dans un contexte de vieillissement de la population, est en passe de devenir la première cause de mortalité dans le monde). C’est à cette maladie désormais commune et toujours terrifiante que nous consacrons ce numéro du 1 à l’occasion de l’exposition de la Cité des sciences et de l’industrie, dont l’intitulé Cancers, au pluriel, souligne une part du chemin accompli : le crabe décrit par Hippocrate (karkinos en grec ancien) a muté en une quantité de maladies, deux cents répertoriées, aux évolutions toutes différentes.

Le cancer est un processus biologique apparu il y a plus de 500 millions d’années

Avant d’être un ennemi à abattre, le cancer est un processus biologique apparu il y a plus de 500 millions d’années au moment de l’émergence des organismes multicellulaires, un défaut dans la division cellulaire des êtres humains, mais aussi des animaux et des végétaux. Pourquoi cette faille réussit-elle parfois à proliférer jusqu’à former des métastases secondaires, causes de neuf décès sur dix ? Réussir à répondre à cette question est l’obsession de nombre de scientifiques, dont Frédéric Thomas. Ce biologiste spécialisé dans l’évolution des espèces nous dévoile de nouvelles stratégies de soins qui peuvent aller jusqu’à épargner certaines cellules cancéreuses sensibles aux traitements afin qu’elles affaiblissent les plus résistantes. Nous dressons un tableau de ces thérapies sur-mesure, au premier rang desquelles les immunothérapies et les vaccins à ARN-messager suscitent de solides espoirs.

Nos modes de vie maltraitent notre ADN comme jamais

Il est heureux que notre boîte à outils se remplisse de promesses, car nos modes de vie (tabac, alcool, malbouffe et sédentarité) maltraitent notre ADN comme jamais. Et les effets de la pollution, particules fines et pesticides, ne cessent d’être réévalués à la hausse. Le chercheur Marc Billaud avance, pour sa part, que le cancer est aussi « une maladie politique » dont les conséquences sociales sont sous-estimées.

Reste que la révolution anticancer est en marche. Hier, le patient était réduit à un organe à guérir, il est en train de devenir un acteur de son propre rétablissement. À la Sorbonne, une Université des patients diplôme d’anciens malades, ainsi reconnus comme experts et partenaires de centres de soins, d’autres initiatives du même type ont vu le jour. Edith, Hélène et Bahija nous racontent comment elles ont tiré de leur expérience de la vulnérabilité une force et même une compétence qu’elles partagent aujourd’hui avec d’autres malades. 

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