Eisenhower, qui fut président des États-Unis après avoir planifié avec succès le débarquement allié en Normandie, classait les tâches qui l’attendaient en quatre catégories : important/urgent, important/non urgent, non important/urgent et non important/non urgent. Aujourd’hui, on a tendance à voir de l’urgence partout, même quand ce n’est nullement nécessaire. C’est souvent une drogue. Le sentiment – ou l’illusion – d’urgence peut stimuler, enivrer, mais rend gourmand et plus impatient : ah, cet ordinateur qui met quelques secondes à s’allumer ! On ne supporte plus l’attente.
Il faut absolument « gagner du temps ». Et, plus nous en « gagnons », plus nous avons l’impression d’en manquer.
On a calculé que le débit moyen des chroniqueurs radio est passé en quinze ans de 185 à 199 mots à la minute.
Tout va plus vite. Le train est devenu TGV et le métro RER, le courrier qui était acheminé en deux jours par la Poste arrive en quelques secondes. Nous vivons au rythme du fast-food et des micro-ondes, de la course folle des livreurs de pizzas. Certaines marques de vêtements n’ont plus une collection de prêt-à-porter par saison, mais trois. Même la façon de s’exprimer change. Les gens parlent plus vite. On a calculé que le débit moyen des chroniqueurs radio est passé en quinze ans de 185 à 199 mots à la minute.
Dans beaucoup d’entreprises, où domine l’obsession des gains de productivité, il faut aller plus vite que son ombre, faire plus, le plus rapidement possible, avec moins de monde ou moins de moyens. Des individus à flux tendus ne décrochent jamais. Toujours à l’affût d’une information, d’un appel, d’un message électronique, même en dehors de leur temps de travail, ils vivent au triple galop.
Oui, tout va plus vite, alors qu’il est souvent urgent de ralentir. Woody Allen avait illustré cette accélération générale à sa manière : « J’ai lu Guerre et Paix en vingt minutes. Ça parle de la Russie. »
Peu de choses résistent encore : comme les neuf mois de grossesse, scandaleusement imposés aux futures mères. Mais qui sait si, à l’avenir…