Située au bout d’une presqu’île, Quiberon, petite ville du littoral morbihannais peuplée d’environ 4 600 habitants à l’année, n’est reliée au continent que par une unique route. Dans cette commune touristique à la population vieillissante – 103 décès contre 23 naissances domiciliées en 2023 –, il est de plus en plus difficile de se loger. Les résidences secondaires représentent 66,2 % du parc de logements, et les prix de l’immobilier – à prendre avec des pincettes car très volatiles – sont parmi les plus élevés de Bretagne, avec un prix médian du mètre carré, tous logements confondus, de 6 047 euros, contre 4 600 à Rennes. En cinq ans, l’augmentation s’élève à près de 58 % à Quiberon. Ces sommes sidérantes font qu’il est difficile de se loger. L’arrivée de la ligne à grande vitesse (LGV) à Rennes en 2017 a accéléré ce processus en réduisant de trois quarts d’heure le trajet de Paris à Rennes, et donc de Paris à Vannes ou à Lorient.
Comment faire pour loger les travailleurs annuels et les saisonniers ?
À Quiberon, les services à la personne et les activités industrielles de transformation des produits de la mer, la pêche, la conchyliculture (notamment l’ostréiculture) emploient de nombreux travailleurs, pour l’essentiel peu qualifiés. Or, si vous travaillez à la conserverie La Belle-Îloise et que vous vivez à 20 ou 30 kilomètres de la commune, vous empruntez quotidiennement la seule route de la presqu’île, souvent encombrée en été. Il vous faut alors plus d’une heure pour vous rendre sur votre lieu de travail.
Dans ce contexte rapidement brossé, comment faire pour loger les travailleurs annuels et les saisonniers ? Quiberon dispose déjà d’un taux de 11,5 % de logements sociaux, ce qui est non négligeable pour une commune littorale, mais insuffisant face à l’augmentation des demandes. Il est difficile, alors, de se loger pour les habitants non éligibles à ces dispositifs ; impossible par ailleurs d’acheter et délicat de trouver un bien à louer, beaucoup d’entre eux étant réservés à la location Airbnb. Certains habitants, attachés à leur commune, choisissent de vivre chez leurs parents.
Toutefois, un ensemble de pistes peuvent être expérimentées. Parmi celles-ci figure la taxation des résidences secondaires. Un décret à ce sujet a été publié fin août, qui autorise la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires pour 3 690 communes, dont Quiberon. Les villes concernées pourront augmenter à leur guise cette taxe et mettre en place un encadrement des loyers. L’intercommunalité Auray Quiberon Terre atlantique (Aqta), très volontariste sur ce sujet, avait déjà doublé la taxe d’habitation de ces résidences en mai dernier. Par ailleurs, le dispositif du bail réel solidaire (BRS) permet à des populations modestes d’acheter un bien en étant propriétaire des murs mais pas des sols (réduisant ainsi le prix d’achat) et prévoit un contrôle du prix de revente pour empêcher les logiques spéculatives. C’est une piste à explorer pour Quiberon. En outre, certains s’interrogent sur la création d’une « zone tendue du littoral », qui permettrait d’encadrer la fixation des loyers ou de taxer les logements vacants. Jusqu’ici, toutefois, le concept de « zones tendues » a été pensé en fonction des logements disponibles. À l’échelle de l’Ouest, n’étaient ainsi concernées que les grandes métropoles comme Saint-Nazaire, Nantes ou Rennes. Sur des communes littorales, le critère judicieux serait plutôt le prix – à la vente comme à la location. Une plus grande concertation avec les acteurs locaux permettrait plus généralement de déterminer ceux qui seraient les plus appropriés à chaque situation. Il faudrait aussi réfléchir à une régulation des locations meublées de courte durée de type Airbnb. À Saint-Malo, par exemple, ce genre de location n’est autorisé que pour 12 % de logements de la ville intra-muros. Dans le Pays basque, seules les personnes qui proposent déjà au moins un logement locatif à l’année ont le droit de louer un meublé sur Airbnb. Au risque, peut-être, de renforcer les logiques spéculatives du côté des gros investisseurs.
La birésidentialité s’est développée ; on fréquente davantage sa résidence secondaire, notamment pour télétravailler.
Les acteurs privés pourraient également être mobilisés, comme à La Gacilly, dans l’est du Morbihan, où l’entreprise Yves Rocher a transformé un ancien Ehpad en logement saisonnier. Certains acteurs penchent aussi vers la création (controversée) d’un statut de résident.
Derrière ces enjeux se pose également la question des résidents secondaires, dont la perception par la population locale a évolué depuis le Covid – en attestent les tags sur les voitures immatriculées hors du Morbihan ou sur les maisons de vacances. La birésidentialité s’est développée ; on fréquente davantage sa résidence secondaire, notamment pour télétravailler. Pour saisir ces signaux faibles de changement, plusieurs pistes s’ouvrent à nous. On peut notamment se tourner vers les commerçants, les agences immobilières, les correspondants de presse locaux, les associations, comme celle des Volets ouverts qui mène des actions symboliques dans la baie de Quiberon, ou encore les habitants. Autant d’interlocuteurs qui représentent d’importantes ressources territoriales pour comprendre les tensions liées aux recompositions à l’œuvre au sein de ces communes littorales touristiques.
Propos recueillis par EMMA FLACARD