Évoquer le personnage de Lula dans la famille Santos*, c’est un peu comme aborder l’affaire Dreyfus dans la France de la fin des années 1890 : la promesse d’empoignades à n’en plus finir. Le cousin Cláudio, libéral, est « fatigué » d’entendre parler de l’ex-président, tandis que sa tante Lucia*, socialiste, ne se remet pas de le voir derrière les barreaux. Quatre membres de cette famille d’intellectuels se sont prêtés au jeu du débat politique.

Le cousin Lucas, la petite quarantaine, économiste, se souvient de son admiration d’enfant pour le Lula des années 1980 : « Je ne comprenais pas tout, mais je voyais un leader populaire, qui ne venait pas de l’élite, et qui promettait de transformer le Brésil pour plus de justice sociale. » À l’époque, le pays compte parmi les plus inégalitaires au monde ; un Brésilien sur sept ne mange pas à sa faim. Marqué par des siècles de colonisation et d’esclavage, le Brésil n’a connu aucune révolte populaire majeure. La mentalité est ainsi : il y a les élites qui décident et un petit peuple qui suit, ou subit. Autant dire que l’idée d’un ouvrier président a de quoi faire sourire.

Héros des ouvriers et de la démocratie

Mais Lula n’est pas un ouvrier comme les autres. Né en 1945 dans un village sec et miséreux du Nordeste, il sera vendeur de cacahuètes et cireur de chaussures à São Paulo avant de plonger, à 14 ans, dans les usines métallurgiques de l’ABC Paulista, vaste zone industrielle et populaire qui s’étend au sud de la ville. Devenu leader syndical, il a le bon sens d’un paysan, la gouaille d’un ouvrier, le charisme d’un tribun... Tout pour enflammer les travailleurs en grève et goûter aux geôles de la dictature militaire. « Il a mené la première grande confrontation syndicale avec le régime, admire l’oncle Chico, enseignant et pionnier de la gauche dans sa région. Partout dans le pays, on organisait des réunions, des réflexions… J’avais un immense espoir que les choses changent ! »

En 1980, à 35 ans, Lula fonde le Parti des travailleurs (PT), seul parti de gauche du pays. Une déflagration. Porté par une foule en délire dans un stade rempli à craquer, l’homme à la barbe hirsute fait irruption dans l’histoire nationale. Il se présentera à trois reprises

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