Le 20 mars 2010, le catamaran Plastiki met les voiles pour un trajet de 10 000 milles nautiques de San ­Francisco à Sydney. Ce qu’il y a de magnifique, c’est que ce navire est constitué de 12 500 bouteilles en plastique. David de Rothschild, qui mène l’expédition, a eu l’idée de ce voyage après avoir lu un rapport des Nations unies de 2006 affirmant que la pollution – et en particulier les déchets plastique – menaçait sérieusement les océans de la planète. Le Plastiki a traversé le vortex d’ordures du Pacifique, situé à peu près entre 135 et 155 degrés de latitude ouest et entre 35 et 42 degrés de longitude nord – une zone dont la surface est estimée entre 700 000 et 15 millions de mètres carrés, formée par des courants océaniques appelés gyre subtropical du Pacifique nord. Le mouvement de rotation du vortex du gyre attire les déchets du Pacifique nord, y compris ceux des eaux littorales de l’Amérique du Nord et du Japon. Des courants de surface provoqués par le vent déplacent au fur et à mesure les débris flottants vers le centre, les piégeant dans cette zone. Les origines de ces déchets ne sont pas établies scientifiquement, mais seuls 20 % proviendraient de navires, tandis que 80 % auraient une origine terrestre : ports, fleuves, docks et égouts pluviaux. De plus, les fleuves charrient la pollution provenant des sources terrestres vers la mer. Le type de plastique probablement le plus abondant, et le plus fatal pour les animaux marins, ce sont les sacs en plastique. L’ONG Californians Against Waste estime que ces débris plastique tuent plus de 100 000 tortues et mammifères marins chaque année. 

Pour contenir l’expansion de cette pollution plastique des océans, il faut porter nos efforts sur des solutions terrestres, souvent urbaines, du problème. La mesure la plus évidente est l’interdiction des sacs plastique. Le directeur exécutif du Programme pour l’environnement des Nations unies, Achim Steiner, a ainsi appelé à l’interdiction totale des sacs plastique jetables. En Europe, le Parlement européen a voté le 16 avril 2014 une directive qui réduit l’utilisation des sacs en plastique fins en Europe d’au moins 80 % d’ici 2019. Elle s’appliquera aux sacs plastique légers d’une épaisseur de moins de 50 microns, considérés comme les plus polluants. Très souvent abandonnés sur la voie publique, ils se déchirent très facilement et représentent donc une grave menace pour l’environnement, en particulier pour la vie aquatique. (Selon les statistiques de la Commission européenne, l’estomac de 94 % des oiseaux de la mer du Nord contient du plastique.) Les ­législateurs de l’UE préconisent le ­recours à l’impôt et aux taxes, aux restrictions de marché et à l’interdiction pure et simple pour diminuer leur utilisation et empêcher les magasins d’en délivrer gratuitement. Aux États-Unis également, plus de 90 villes et États interdisent désormais l’utilisation des sacs plastique jetables, comme récemment Los Angeles sur la côte pacifique. 

Si ces interdictions constituent le moyen le plus efficace de s’attaquer à la pollution océanique, il faut néanmoins trouver de meilleures stratégies de « fin de vie » pour les sacs plastique. Aux États-Unis, la majorité finit encore dans des ­décharges à ciel ouvert, ce qui constitue une sérieuse menace environnementale : les sacs plastique peuvent en effet facilement s’envoler, puisqu’une légère brise suffit pour les soulever et les mener vers les fleuves et de là, dans les océans où ils rejoignent la zone de déchets. Une meilleure option consiste à les recycler en électricité et en chaleur, par incinération. Comme les sacs sont faits de ­pétrole et de gaz naturel, ils retiennent les propriétés de ces sources énergétiques : le plastique utilisé habituellement pour les sacs peut produire autant de chaleur que le mazout lourd et deux fois plus de chaleur que le charbon. Ainsi, les sacs plastique facilitent la combustion des déchets municipaux (un type de déchets composite contenant du plastique et d’autres ordures ménagères). Une meilleure stratégie que la simple incinération consiste à en faire des produits de grande valeur comme l’essence et le diesel. 

Chaque année, une vaste usine de Washington convertit en pétrole 10 000 tonnes de sacs en plastique. Une machine à échelle domestique a été ­développée par une société japonaise. Son fonctionnement serait non polluant et entièrement contenu : les sacs plastique sont chauffés et génèrent des ­vapeurs, qui sont ensuite canalisées dans un système de tuyaux et de chambres à eau. Celles-ci refroidissent les vapeurs et les condensent en pétrole brut, utilisable dans les générateurs et même dans certains poêles. Une étape de raffinage supplémentaire peut transformer le sac plastique en combustible automobile. 

Une autre solution, encore meilleure que l’incinération, serait d’employer un nouveau type de sac plastique rapidement destructible sans émission de produits toxiques. Ce sac existe, c’est le sac plastique biodégradable, fabriqué à partir de plantes comme le maïs mais également d’ordures ménagères recyclées. De tels sacs se décomposent en 47 à 90 jours, soit quatre fois plus vite qu’un sac à base de PET flottant sur l’océan. Et surtout, leur destruction n’émet que de l’eau et du dioxyde de carbone, contrairement à celle du sac plastique lambda qui émet toute une série de déchets toxiques pendant son processus de dégradation, dont le bisphénol A, un émollient qui donne au plastique sa flexibilité. Cette substance fonctionne comme l’œstrogène et augmente la proportion de femelles chez les invertébrés et les poissons. Même si sa réalité doit encore être confirmée par des études scientifiques, ce processus pourrait altérer l’équilibre écologique de nos océans de manière sévère et définitive.

Contrairement au voyage du Plastiki qui s’est achevé le 26 juillet 2010 au ­Musée de la marine d’Australie, la bataille contre la pollution plastique des océans continuera de nombreuses années. Une volonté politique grandissante, des progrès technologiques et surtout une prise de conscience accrue de l’opinion face au problème de la pollution plastique permettent néanmoins d’espérer un avenir meilleur. 

Traduit de l’anglais par CHARLOTTE GARSON

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