Songeait-il à entretenir la flamme olympique ? Quatre jours avant de clore cette parenthèse dorée, l’un des rares moments de communion de ces dernières années, Emmanuel Macron a sorti de son chapeau le nom de Michel Barnier, coprésident du comité d’organisation des Jeux… d’Albertville, en 1992 ! Gabriel Attal, alors, avait deux ans, ce qui en dit long sur le grand écart de la passation de pouvoir entre le plus jeune et le plus vieux Premier ministre de la Ve République…

Élu pour la première fois député en 1978, Michel Barnier ne pourra pas plaider le manque d’expérience. À 73 ans, l’ancien commissaire européen a suffisamment écumé les cabinets ministériels pour savoir qu’il n’aura pas la partie facile à ce poste en sursis. Dans son essai L’Enfer de Matignon, Raphaëlle Bacqué avait appelé les anciens Premiers ministres à la barre pour évoquer leur expérience à la tête du gouvernement. Et leur sentence est irrévocable. « Matignon ? Une machine à broyer », confie Jean-Pierre Raffarin. « Quand on est à ce poste, on a du plaisir à dormir, le soir, pour tout oublier », siffle Pierre Mauroy. « Il faut vraiment une âme de martyr pour jouer un rôle pareil. Moyennant quoi, je n’ai jamais entendu dire que qui que ce soit ait refusé de l’être », ironise pour sa part Édouard Balladur.

Son ancien ministre de l’Environnement a donc accepté de relever le gant, et avec lui une poignée de défis aussi escarpés qu’un mont savoyard. Il lui faudra tout d’abord constituer un gouvernement, qui concilie l’alternance souhaitée par les Français et la stabilité voulue par le président. Puis présenter un projet politique et économique, sur fond de défiance et de comptes publics bien amochés, mais aussi d’une demande sociale peu en phase avec ses propres priorités. Avant d’espérer forger des majorités dans une Assemblée fracturée, avec une gauche déçue et revancharde, dans laquelle son expérience de négociateur en chef du Brexit ne sera peut-être pas inutile.

Mais il lui faudra, surtout, résister au procès en illégitimité qui lui sera forcément fait : éliminé au premier tour de la primaire interne des Républicains en 2021, Michel Barnier est membre d’un parti de droite qui n’est arrivé qu’en cinquième position aux législatives, avec moins de cinquante députés, et soutenu par un camp présidentiel laminé. Une coalition de perdants, à rebours de l’élan du front républicain, qui ne pourra se maintenir qu’au bon vouloir du Rassemblement national, à qui Emmanuel Macron a donc abandonné le rôle de faiseur de rois. D’une flamme à l’autre, le président s’essaie à un numéro de jonglage périlleux. Au risque d’embraser tout le pays. 

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