« Il faut changer de paradigme, aller vers l’Homo sobrius »
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Comment s’explique l’augmentation récente du prix du pétrole et donc des carburants ?
D’abord, par des facteurs très conjoncturels : la forte reprise de l’activité économique depuis la fin de la crise sanitaire d’une part et, d’autre part, la guerre en Ukraine, qui représente un aléa géopolitique majeur, en particulier pour l’Europe qui importe de Russie 25 à 30 % de son pétrole. Ces éléments expliquent en partie que le prix du baril soit passé de 75 à 95 dollars depuis juin. Mais cela reste finalement assez anecdotique, car on sait que les prix du pétrole sont volatils : au cours des dix dernières années, ils ont varié entre 15 dollars et 125 dollars.
Il y a donc aussi des raisons plus structurelles…
En effet, un événement géopolitique fondamental est intervenu en 2016 : à la suite de l’effondrement des prix de 2014, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a proposé à d’autres pays producteurs, au premier rang desquels la Russie, de s’allier à elle. Les pays de cette Opep élargie, appelée Opep+, produisent 50 % du pétrole mondial – contre 35 % pour la seule Opep.
Avec quelles conséquences ?
Lorsque l’Opep annonce une réduction de sa production, et donc une augmentation mécanique des prix, non seulement elle ignore la demande du monde occidental d’augmenter la production pour limiter la hausse des prix du brut, mais elle soutient surtout indirectement la Russie, dont le pétrole est une source importante de revenus. On assiste à un retournement d’alliance, une « désoccidentalisation » du marché pétrolier : l’Arabie saoudite joue la Russie contre le monde occidental.
Quel poids ces tensions font-elles peser sur le marché de l’énergie ?
Faute de gouvernance mondiale du pétrole, nous vivons une insécurité énergétique globale. Et cela tombe mal car nous sommes dans une période de transition où nous aurions justement besoin de visibilité. Si un organisme mondial fixait le prix du pétrole et garantissait son orientation à la hausse, cela donnerait aux pays producteurs les moyens de se diversifier et inciterait les consommateurs à anticiper la sortie du pétrole.
Dans la situation actuelle, comment peuvent évoluer les prix ?
« Il faut changer de paradigme, aller vers l’Homo sobrius »
Emmanuel Hache
L’économiste Emmanuel Hache analyse les évolutions du marché pétrolier et se penche sur les raisons de la hausse actuelle des prix. Surtout, il nous alerte sur la nécessité de repenser notre consommation en vue de tenir nos objectifs climatiques.
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