Dilemme cornélien dans une station-service devant deux pistolets distributeurs. Standard ou premium ? Tous les carburants ne se valent pas. Le second est plus cher que le premier, mais affiche des noms ronflants – « Excellium », « Ultimate » ou « V-Power » – et se croit d’une essence supérieure. Les divers additifs dont il se réclame (détergents, antioxydants, désémulsifiants, réodorants, modificateurs de friction, inhibiteurs de corrosion…) réduisent-ils réellement la consommation de carburant et l’encrassement du moteur ? Le 1, qui ne voudrait froisser aucune grande compagnie pétrolière, se gardera bien de trancher.

Notre vocation n’est d’ailleurs pas de donner des conseils pratiques, mais de pénétrer l’essence des choses. Standard ou premium, cette eau miraculeuse permet à nos automobiles de se mouvoir. Si ce liquide issu de la distillation du pétrole a été appelé « essence », ce n’est peut-être pas par hasard. Le mot a une origine latine : essentia (nature d’une chose), dérivé de esse (être), était opposé à « accident », de nombreux siècles avant l’invention des véhicules motorisés et leur fâcheuse tendance à entrer en collision. 

De grands philosophes contemporains n’ont pas manqué de se pencher sur la question. Pour Jean-Paul Sartre, l’existence précède l’essence, et Simone de Beauvoir lui a fait écho : on ne naît pas automobiliste, on le devient.

Méfions-nous des formules trop faciles. Il ne suffit pas nécessairement d’une goutte d’essence pour faire déborder le bidon. Toujours est-il que le standard ou le premium sont des liquides hautement inflammables. Une hausse de prix de quelques dizaines de centimes au litre peut provoquer une révolte sociale. Diable de carburant ! Saura-t-on renoncer un jour à l’essence, à ses pompes et à ses œuvres ? 

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