Il y a des coïncidences décidément malicieuses. Le 31 juillet s’apprête à ressortir sur les écrans, en version restaurée, Le Guépard (1963) de Luchino Visconti, immense film sur le déclin de l’aristocratie italienne et l’irruption d’un monde nouveau. De cette adaptation du roman de Lampedusa, on retient souvent les mots du jeune et roué Tancredi, opportuniste à la belle gueule joué par Alain Delon : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout. »

Qu’est-ce qui a changé en France, depuis le double coup de tonnerre électoral que furent, successivement, la victoire du RN aux européennes, puis celle de la gauche réunie aux législatives ? Rien, ou si peu. Deux semaines plus tard, ce pays qu’on annonçait ingouvernable reste, à l’heure où l’on écrit ces lignes, dominé par le même podium, Emmanuel Macron à l’Élysée, Gabriel Attal à Matignon, Yaël Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée. Étonnante stabilité dans un paysage politique renversé, comme si le pouvoir en place pouvait échapper au verdict des urnes dans un troublant déni de défaite. Après la divulgation des résultats, la présidente de l’Assemblée a bien déclaré vouloir « innover » pour faire émerger des compromis – comme un écho à la profession de foi d’Emmanuel Macron qui, dans sa lettre aux Français du 23 juin, assurait que « la manière de gouverner doit changer profondément ». Mais il faudra bien plus que des mots pour convaincre ses concitoyens échaudés par la litanie de ces promesses de changement et qui, par trois fois, ont exprimé à travers leur vote un profond désir de renouvellement.

Dans ce numéro du 1 hebdo – le dernier avant le début de notre série d’été consacrée à trois sagas de la pop culture –, nous revenons sur le grand flou qui entoure la direction du pays, fracturé en trois blocs quasi égaux : une droite rabougrie à trop avoir oublié son centre, une gauche incapable de construire autour d’elle une coalition majoritaire, et une extrême droite qui attend (encore) son heure. Tout cela à quelques jours d’une cérémonie d’ouverture des JO en mondovision, où il s’agira pour la France de montrer son meilleur visage. La quinzaine des Jeux marquera sans doute une pause bienvenue, après six semaines tendues par l’angoisse, la colère et les violences, physiques ou verbales. Si tout se passe bien, la nation pourra même exulter dans un rare moment de communion, autour de la célébration de ses héros parés d’une lumière dorée. Mais la trêve olympique ne durera qu’un temps. Et la rentrée politique et sociale devra bien faire tomber les masques du changement, au risque sinon de donner raison au prince du Guépard : « Après, tout sera peut-être différent, mais alors en pire. » 

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