Faut-il remplacer nos députés par des oies savantes ? En 1919, l’écrivain-diplomate Paul Morand s’oppose au revanchard traité de Versailles. Il préfère au tragique spectacle parlementaire le cirque Medrano où il s’amuse avec Jean Cocteau. Parfois les démocraties sautent par-dessus les intérêts des peuples comme des acrobates sans filet. 

Cérémonies planétaires :
Assemblée nationale de Versailles. Medrano.
Je vois ma fatigue dans le casque du pompier.
Les cirques partagés en gradins fibreux,
portent des foules
que ne divisent ni les opinions
ni les vomitoires SORTIE.
Les hémicycles se reflètent dans le tapis-brosse,
anneaux de rire et d’enthousiasme.
Fluides, neigent les volontés républicaines
dans les urnes antarctiques,
tandis que les Fratellini mettent dans leur chapeau
une autre vengeance liquide.
Sous les gradins, l’un signe ses sourcils
à l’encre de Chine,
entre les ex-votos cartonnés.
L’ammoniaque s’évade des écuries.
Les enfants et les clowns travaillent avec les jouets.
Dans la corbeille, des fruits de drap noir
s’épluchent, vote à vote.
LA SÉANCE EST OUVERTE.
Le Président passe à travers
les articles constitutionnels.
L’Eton caoutchouc étonne
par ses viscères dans son gousset ;
sans les nœuds, se souviendrait-il de son corps ?
M. Lionel – son autorité urbaine –
sépare les haines confuses et glacées de magnésie
des Augustes.
Les éditions spéciales s’effeuillent
passionnément.

Feuilles de température, Au Sans Pareil, 1920 ;rééd. Poèmes, © Éditions Gallimard, 1973

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