En novembre 1933, la gauche espagnole est écrasée aux élections. Onze mois plus tard arrivent au gouvernement trois ministres de la CEDA, une coalition de droite allant des chrétiens-démocrates aux monarchistes. La gauche répond par une grève révolutionnaire générale. Dans la région minière des Asturies, l’insurrection est matée par le général Franco. La société se scinde progressivement. 

Un certain jour dans toute l’Espagne
Les ouvriers arrêtèrent le travail. Les trains
Restaient froids sur les rails. Sans lumière
Les maisons et les rues, les téléphones
N’étaient que ferraille inutile. Les mercantis
Ne pouvaient plus appeler les policiers. Et à la place
Les masses causaient entre elles. Pendant trois jours
Les servants des puissants appareils
En furent les maîtres. Les travailleurs, en cessant de travailler,
Montrèrent leur puissance. Le champ fertile
Tout à coup n’était plus qu’un sol pierreux. La laine
Non traitée ne chauffait plus personne, le charbon
Dans sa mine non plus. Même les bottes des policiers
S’en iraient en morceaux sans trouver de remplaçantes.
Puis
La désunion brisa la force du soulèvement, mais
Même alors
Les ordres des bonzes : Finissez la grève !
Pendant des jours ne purent atteindre les travailleurs ;
Pas de vapeur dans les locomotives, des bureaux de poste déserts.
Ainsi même alors
Se montra le
Grand pouvoir des travailleurs.

Traduit de l’allemand par Michel Cadot
Poèmes 5 (1934-1941) © L’Arche éditeur, 1967

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