En démocratie, les contre-pouvoirs – institutionnels, associatifs ou autres – sont légion. Il n’en était évidemment pas de même au temps de la monarchie absolue. La France a néanmoins connu, au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, une fonction qui s’est quasiment officialisée entre le XIVe et le milieu du XVIIe siècle : le fou du roi. Ce bouffon en titre ne se contentait pas de divertir le souverain qu’il accompagnait partout, jusque dans la chambre de sa maîtresse : il lui disait des vérités que les courtisans n’auraient jamais exprimées. Ses pitreries faisaient de lui un double inversé du monarque, auquel il tendait en quelque sorte un miroir. Osant l’interrompre, l’apostropher ou le rudoyer, il poussait l’audace jusqu’aux limites de l’outrage. « Il y a deux choses dans votre métier dont je ne pourrais m’accommoder : manger tout seul et chier en compagnie », aurait lancé à Louis XIII son bouffon, Marais.

« Tout pouvoir sans contrôle rend fou », disait le philosophe Alain. Le fou du roi, lui, était en quelque sorte un garde-fou, ce qui exigeait de sa part beaucoup de sagesse.

La dérision est sortie du palais pour gagner l’espace public. En République, prenant la suite des comiques de music-hall et de café-théâtre, des humoristes de plus en plus nombreux s’emploient à désacraliser le pouvoir, faisant revenir sur terre des dirigeants hautains, enfermés dans la componction, l’orgueil ou la démesure.

Mais il arrive qu’un chef de parti, voire le chef de l’État en personne, soit imité, caricaturé et même ridiculisé en sa présence lors d’une émission de radio ou de télévision. Pas question pour lui de manquer d’humour : il rit, un peu jaune, face à un roi des ondes qui, lui, est admiré pour son insolence et fait monter l’audimat. On se demande alors si la dérision sert de contre-pouvoir ou si elle ne contribue pas à démolir l’image de la politique. 

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