Une fête
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D’abord un peu d’histoire : il n’a pas fallu attendre l’année 1941 pour que la nation rende hommage aux mères, à l’ombre du képi d’un vieux maréchal imposant en catéchisme son triste et pernicieux « Travail, Famille, Patrie ». La Grèce et la Rome antiques célébraient déjà les mères des dieux et les matrones ; l’Amérique de 1914 instaura un Mothers’Day, et Aristide Briand, politique nataliste oblige, fit de même en France en 1926. Dont acte. Pour celles et ceux que cette fête liée à Vichy embarrasse, ils peuvent trouver ailleurs bien des raisons moins connotées pour honorer les mamans.
Être mère, hier comme aujourd’hui, reste une aventure unique. Les progrès effectués en matière de diagnostic prénatal comme pendant l’accouchement proprement dit ne banalisent en rien cet événement. La psychiatre Monique Byldowski nous dit en quoi il s’agit d’une expérience unique qui se joue dans le corps, lequel « s’ouvre de façon involontaire », et dans l’esprit de la mère toute neuve qui, pendant sa maternité, rencontre sa propre mère, revivant ce que furent ces premiers liens, heureux ou non. Combien d’infertilités sans cause physiologique réelle procèdent de ce contact initial abîmé avec une mère qui ne sut pas l’être, la praticienne distinguant chez ces femmes une volonté de procréer ruinée par un désir absent.
Si la gestation pour autrui est interdite en France, une mère adoptive ou une belle-mère (qui vient le plus souvent plus tard dans la vie de l’enfant) offrent des cas de figure chaque fois différents de relations avec les petits.
« Toutes les mères sont arrêtées par ce fragment de leur chair qu’est leur enfant, et elles se sentent en exil devant cette vie neuve qu’on a faite avec leur vie », écrivait Sartre dans sa pièce Bariona ou le Fils du tonnerre. Et c’est le paradoxe de cette aventure qui est d’attendre dans une forme de passivité (toute relative) que l’enfant paraisse, avant que cet « étranger » ne requière toute l’attention maternelle sitôt né. Au point de déclencher une forme de « burn-out » chez celle qui satisfait à tous ses besoins au prix de cet « exil », négation ou abnégation, devant le nouveau-né.
L’adoption, la PMA, les dons d’ovules ou d’ovocytes, la possibilité pour les couples homosexuels femmes (et hommes) d’avoir des enfants : toutes ces formes de maternité (et de paternité) interrogent l’intensité comme la nécessité vitale pour l’enfant des premiers liens – qui sont aussi les premiers soins – avec sa mère, et plus largement avec ses parents. Une mère qui n’a pas porté développe-t-elle les mêmes gestes que celle ayant porté son enfant ? Si la gestation pour autrui est interdite en France, une mère adoptive ou une belle-mère (qui vient le plus souvent plus tard dans la vie de l’enfant) offrent des cas de figure chaque fois différents de relations avec les petits. Reste ce miracle sans cesse renouvelé : un humain donne la vie à un autre humain. Cela vaut bien une fête.
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