C’est une histoire marquée de bout en bout par le sang et les larmes. Le 11 septembre 2001, l’effondrement des tours du World Trade Center plongeait le monde dans la stupeur, et l’Amérique dans une colère vengeresse. Contre Oussama Ben Laden et Al-Qaïda, évidemment. Mais aussi contre le régime taliban, coupable de les avoir protégés dans les montagnes afghanes. En deux mois, l’offensive éclair de la coalition internationale et de l’Alliance du Nord avait réussi à chasser les mollahs de Kaboul. Mais vingt ans et près de 170 000 morts plus tard, les voilà de nouveau maîtres de la capitale. Et c’est par un double attentat-suicide le 26 août aux abords de l’aéroport, tuant plus de 80 personnes, dont 13 GI, que s’est achevée une sortie aux airs de débâcle pour la puissance américaine et, avec elle, pour tout l’Occident.

« Que s’est-il passé ? » s’interroge le grand reporter Patrick de Saint-Exupéry dans un long et saisissant récit qui revient sur l’histoire moderne de l’Afghanistan, cette terre martyre dont Joseph Kessel affirmait déjà dans son roman de 1967 Les Cavaliers : « Il ne se trouve pas une pierre dans cet endroit maudit qui n’ait été tachée de sang. » Dans ce numéro du 1, nous essayons de comprendre les racines de cet échec, d’analyser les erreurs de stratégie d’une guerre qui a mené le pays dans l’impasse, sans vaincre pour autant le terrorisme islamiste. Bref, de saisir pourquoi, d’une déflagration à l’autre, les deux dernières décennies n’auront été qu’une parenthèse, dans laquelle les États-Unis ont engouffré plus de deux mille milliards de dollars et bon nombre de leurs illusions. Bien sûr, l’invasion de 2001 n’avait pas pour but de sauver les femmes afghanes de l’oppression talibane. Mais elle portait en elle une promesse démocratique, l’espoir de la construction d’un État à même de faire taire les dissensions ethniques et d’offrir à chacun liberté, éducation et sécurité.

Aujourd’hui, cet avenir n’est plus qu’un mirage pour la population afghane, dont plus de la moitié n’était pas née il y a vingt ans. La loi talibane n’avait certes pas totalement disparu, survivant dans certaines zones tribales au nom de la tradition religieuse, ou contre la corruption du pouvoir en place. Elle s’appliquera désormais à tout un pays, drapé dans le deuil de ses espérances. Pas plus qu’en 2001, le monde ne se battra pour le sort des femmes afghanes. Mais cette fois, il ne pourra pas feindre l’ignorance et détourner le regard. Charge aux chancelleries occidentales, mais aussi à la société civile, de tenir sous pression le régime taliban. Pour éviter que ne coulent à nouveau les larmes et le sang. 

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