À l’évidence, la pandémie de Covid-19 aura renforcé les ressorts du souverainisme plus que tous les discours, et pas seulement ceux des extrémistes, en appelant au sursaut des nations. Depuis l’apparition de ce que Donald Trump désignait comme le « virus chinois », l’antienne du repli sur soi à l’abri de frontières plus ou moins illusoires a pris le pas sur les élans d’ouverture qui agrandissaient sans cesse le lit de la mondialisation depuis le milieu des années 1990. Dépendance vis-à-vis de Pékin – en particulier pour nombre de principes actifs de médicaments et de composants de la high-tech –, peurs et inquiétudes nourries par les variants étrangers – sud-africain, brésilien, indien – souvent venus de pays émergents : le cocktail souverainiste a repris des couleurs face à ces menaces, même s’il est trop tôt pour en mesurer les dividendes électoraux.

Comme le note l’économiste Isabelle Méjean, cette idéologie qui s’apparente à une forme de protectionnisme n’a pas attendu l’explosion planétaire du Covid pour se manifester, en particulier à travers un ralentissement de l’extension des échanges mondiaux et par une méfiance accrue à l’égard d’une mondialisation aux effets inégalitaires. De son côté, le Brexit a précédé l’épidémie. Un souverainisme assumé qui, affirme Marc Roche, permet à la Grande-Bretagne de se forger un « nouveau destin » caractérisé par une reprise de la croissance et le renforcement de l’une des plus vieilles démocraties du monde. Mais de quoi parle-t-on au juste quand on brandit ce mot de souverainisme qui recrute et divise aussi bien à droite qu’à gauche, comme le rappelle Vincent Martigny ? L’auteur du Retour du prince met en lumière la dimension culturelle derrière l’acception politique. Une volonté de défendre au sens large des modes de vie, « des pratiques aussi diverses que la gastronomie, la langue, la religion ». De son côté, la politiste Sophie Duchesne ne voit rien d’autre dans le langage souverain qu’un nationalisme qui ne dit pas son nom.

À travers tous ces « ismes », qui vont du nationalisme au protectionnisme, la tentation peut être forte d’accoler au souverainisme une étiquette négative marquant un retour en arrière. Une fois de plus, il convient de faire preuve de nuance. David Djaïz nous y invite en louant les avantages d’un État « capable de préparer l’avenir, d’anticiper les catastrophes, d’organiser les bifurcations tant qu’il est encore temps ». Le mot est prononcé : la souveraineté, c’est redevenir maître de son temps sur une longue durée, pour un individu, une société, un groupe de nations. Un antidote à l’éphémère, au volatil, à l’écume des jours sans lendemains préparés. 

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