SOUVERAINISME ou souveraineté ? Voici deux mots presque identiques, mais qui ont l’air de se tourner le dos : si le premier est soupçonné de nationalisme, de repli sur soi et de frilosité, le second n’appelle que du respect. Selon la Constitution de la Ve République, « la souveraineté nationale appartient au peuple ». Mais c’est le peuple, justement, qu’invoquent ceux qui se disent à la fois souverainistes et opposés au nationalisme. « Le souverainisme, déclare la Confédération des écologistes indépendants, est un mouvement qui défend ce qui part d’en bas, contre ce qui veut s’imposer d’en haut. » On s’y perd un peu, dans la mesure où l’adjectif « souverain » signifie au-dessus, supérieur, suprême. N’est-ce pas ainsi qu’est qualifié un monarque ? Et que dire du « souverain pontife », doctrinalement considéré comme infaillible ?

Ce sont les Québécois qui nous ont entraînés dans cette incertitude sémantique en inventant le mot « souverainisme ». Beaucoup d’entre eux, jugeant insuffisante l’autonomie de leur Belle Province, voulaient la détacher du Canada. Souverainistes signifiait indépendantistes, pour ne pas dire sécessionnistes.

En traversant l’Atlantique, le mot est devenu polysémique, servant à combattre l’intégration européenne, l’euro, la mondialisation, le libre-échange, les délocalisations industrielles, le multiculturalisme… Sans parler de ceux – à commencer par Emmanuel Macron – qui plaident aujourd’hui pour « un souverainisme européen ». Bref, il n’y a plus en France que des souverainistes, en parfait désaccord sur la manière d’exister dans un monde interdépendant. Vu du Québec, ce débat franco-français doit paraître souverainement compliqué ! 

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