C’est un pays de 170 millions d’habitants où la démocratie s’éteint à petit feu. Le 7 janvier dernier, la présidente Sheikh Hasina a étendu son règne sur le Bangladesh, entamé en 2009, lors d’un scrutin marqué par le boycott de l’opposition et des accusations de fraude envers le pouvoir en place. Dans quelques semaines c’est son imposant voisin, l’Inde, longtemps présentée comme la plus grande démocratie du monde, qui pourrait confirmer au pouvoir Narendra Modi, malgré ses dérives autoritaires et son agenda nationaliste hindou. D’autres pays pourraient leur emboîter le pas dans une année électorale record, marquée par une soixantaine de scrutins nationaux qui concerneront la moitié des habitants de la planète, des États-Unis à l’Indonésie, en passant par le Royaume-Uni, le Mexique, l’Afrique du Sud et le Pakistan.

La fragilité de nos démocraties s’avère, en effet, doublement périlleuse. 

Tous ces scrutins n’ont évidemment pas le même enjeu, ni ne connaissent le même suspense – inutile d’espérer une transition en Russie ou en Iran, par exemple, où les élections ne sont là que pour donner un semblant de légitimité au pouvoir en place. Mais ils vont avoir valeur de test à très grande échelle pour l’idéal démocratique, régulièrement contesté. En novembre dernier, le rapport annuel de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA) s’alarmait ainsi d’un déclin démocratique pour la sixième année de suite, et dans des proportions toujours plus inquiétantes. Aux reculs constatés dans des régions du monde à la pratique démocratique récente s’ajoutent désormais des coups portés dans ses bastions historiques, en Europe notamment, où s’érodent les contre-pouvoirs traditionnels – presse, justice, syndicats – ou les droits fondamentaux, de la liberté d’association à la liberté d’expression. Et ce n’est pas la pente populiste empruntée dans de nombreux pays du continent, à confirmer ou non lors des élections européennes de juin, qui semble de nature à rassurer.

La fragilité de nos démocraties s’avère, en effet, doublement périlleuse. D’abord car elle entretient la défiance et la dissension, dans des États tentés par l’autorité comme seul remède. Mais aussi parce qu’elle laisse planer le doute sur la capacité du camp démocratique à s’opposer collectivement au bras de fer lancé par les régimes autoritaires, Chine et Russie en tête. À cet égard, l’élection américaine du 5 novembre a des airs de quitte ou double. Soit elle confirmera l’attachement du vaisseau amiral aux principes démocratiques, et à un modèle digne d’inspirer le reste de la planète. Soit elle offrira au monde un aller simple pour l’inconnu, à contre-sens de l’histoire et du triomphe annoncé de la démocratie libérale. 

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