En supposant que le bleu exprime la liberté et le blanc l’égalité, la fraternité ne peut être que rouge. C’est la couleur par excellence, celle qu’on utilise à tout propos, pour alerter, freiner, encourager, exciter… Peu discrète, très courtisée, elle est consciente de son attrait. Dans les langues slaves, « rouge » et « beau » ne sont-ils pas désignés par le même mot ?

La fraternité se distingue des deux autres piliers de la devise républicaine : elle n’est pas un droit, comme la liberté ou l’égalité, mais une attitude, un état d’esprit. On ne peut pas la réclamer ; il faut se contenter de la souhaiter et de la mettre en pratique. Le mot semble dire une chose et son contraire : c’est le lien entre frères et sœurs (la fratrie), mais aussi entre des personnes n’ayant aucun lien de parenté. La fraternité se traduit alors par des sentiments comme l’entente, l’harmonie, la solidarité, la tolérance et le respect des différences. De manière moins pacifique, elle exprime le combat de frères d’armes contre un ennemi commun. Cette ambivalence se retrouve dans la couleur rouge, assimilée aussi bien à l’amour et à la joie qu’à la violence et aux flammes de l’enfer.

Sa dimension politique n’est plus à souligner. Drapeau rouge, place Rouge… La Révolution française a donné le ton avec le bonnet phrygien, qualifié de « bonnet de la liberté », mais coiffant aussi l’égalité et la fraternité. Il faut le voir comme un tricorne. Idem pour le bleu, le blanc et le rouge, devenus indissociables dans l’imaginaire collectif. Mieux qu’une triade : un solide ménage à trois, pour ne pas dire une sainte trinité. 

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